Suite à la mort brutale de son frère, la narrateur apprend un secret de famille. Son oncle lui révèle qu'il a un arrière-grand-père, Raoul H, qui fut administrateur provisoire sous Vichy. C'est une fonction rattachée au Commissariat général aux questions juives et qui consistait à administrer provisoirement les biens juifs en vu de leur spoliation. L'auteur commence alors à mener une enquête auprès des autres membres de sa famille puis aux archives. Il découvre le rôle de son arrière-grand-père dans au moins deux déportations à Auschwitz. C'est le récit d'une quête, d'un moment historique mais aussi de l'acceptation d'un passé sombre.
Le fantôme de Raoul H. a toujours plané sur la famille. Certains membre de la famille sont dans le déni, d'autres minimisent son rôle et d'autres encore, comme la mère du narrateur, cherchent une forme de rédemption en tentant d'embrasser la religions juive. Pour le frère du narrateur ce passé familiale est trop dur à porter et on comprend que c'est la cause de sa mort, même si on sait peu de chose là dessus. Au milieu des non-dits et des demi-vérités, le narrateur cherche à comprendre et à assumer cette histoire douloureuse. A travers son parcours et ses réflexions, se pose la question du poids d'un héritage et de ce que l'on doit faire des crimes de nos aïeuls. Il y a la honte, la culpabilité et le silence comme poison diffus qui se transmet entre les générations. C'est un combat contre le fantômes de son ancêtre auquel se livre la narrateur.
Alexandre Seurat aime écrire sur le réel et il fait découvrir à travers cette histoire un fonction sous Vichy que je ne connaissais pas. Ils étaient environ dix milles en France à cette époque à œuvrer à la spoliation des biens juives. C'étaient des administratifs sûrement fiers de leur fonction et appliqués, des bourreaux ordinaires. Ils agissaient au nom de la loi. L'auteur se base sur un personnage réel qu'il a pu trouver dans les archives. C'est donc à partir de documents historiques qu'il nous raconte cette histoire. Il mêle faits réels et fiction. Le récit est construit en alternant la description des recherches, l'histoire des victimes de Raoul H. et les réflexions intimes du narrateur. Cela donne une ambiance sombre et lourde au roman qui traduit bien ce que vit le narrateur.
J'ai encore un fois été touchée par le style tout en retenue d'Alexandre Seurat. Ce sont les regards et les silences qui donnent l’émotion. C'est l'histoire d'un homme banal, un gratte papier anonyme comme il en eu tant à cette époque. C'est un petit pion malveillant, un de ceux sur lesquels comptait la machine implacable et dévastatrice du nazisme et un de ceux que la justice n'a pas pu condamné.