Que voilà un synopsis intéressant et prometteur. Un bel univers de science-fiction à explorer, entre l’amnésie du personnage et le choc d’une civilisation qui avance brutalement (du moins pour le personnage) de 150 années dans le futur. Malheureusement, si le synopsis est prometteur, le résultat final laisse une impression plus mitigée.

Ce n’est absolument pas la faute de l’histoire, bien au contraire. Celle-ci se révèle en effet vite vraisemblable et digne d’un bon vieux thriller. Vincent Langeais se retrouve vite embarqué dans une situation qui le dépasse au milieu d’un monde qu’il ne comprend pas, et comprendra qu’il ne faut faire confiance à personne pour espérer s’en sortir. En supposant que ça soit encore possible… L’histoire, donc, est bien ficelée et réserve pas mal de surprises et de rebondissements, baladant le lecteur entre les incertitudes et les faux-semblants.

Le problème, en fait, c’est un peu tout le reste.
D’abord, l’univers. Si Anthony Boucard nous en explique beaucoup de choses et qu’il est parfaitement cohérent et très vraisemblable, il faut avouer que les explications en entête de chapitre, ça arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et ça passe relativement mal. D’autant plus que, bien souvent, on apprendra des choses certes utiles dans le développement du background, mais absolument pas exploitées dans l’histoire. Au final, on se détache assez rapidement de tout le fonctionnement social, économique, et politique du monde tel qu’il est imaginé là. Et c’est vraiment dommage, au vu des efforts faits par l’auteur pour imaginer un futur utopique, mais vraisemblable.
Un univers intéressant et développé, donc, mais des explications bien souvent inutiles.

Ensuite, nous avons les personnages. Peu développés, ils s’avèrent vite plats et peu attachants. À commencer par Vincent, mais dans son cas, encore, c’est sans doute largement voulu, tant il n’a de goût ni d’intérêt pour rien au départ. Une coquille vide qui erre dans un univers qui le dépasse. Pour les autres, c’est déjà plus problématique.
En fait, ils obéissent principalement à des archétypes bien définis, mais sans chercher à les dépasser. Nous avons le héros amnésique qui ne sait pas quoi faire, l’unique ami plein d’humour, le conseiller peu présent, etc… En soi, l’utilisation d’archétypes n’est pas un problème, évidemment, mais ici, on a vraiment du mal à s’attacher, s’identifier, bref, à les trouver intéressants hors de l’histoire.
Cela dit, ils servent parfaitement bien le déroulement de l’histoire en question, et se révèlent donc efficaces, à défaut d’être vraiment intéressants.

Enfin, sans doute le problème qui fait vraiment du tort au livre selon moi : un certain manque de rythme. Le roman fait à peine 300 pages, et il vous en faudra près de 100 pour que l’élément déclencheur noté dans le synopsis apparaisse… D’ici là, vous passerez le temps à voir Vincent errer sans but, se lamenter, bref, devenir une loque humaine dont la vie est seulement un peu illuminée par son seul ami. Je ne demande pas non plus qu’on amène le déclenchement de l’histoire dès la première page, mais presque le tiers pour ça…
Le problème étant que cela ne s’arrange pas vraiment après, on se perd régulièrement dans des descriptions plus ou moins utiles et des errements, et il faut attendre que le mystérieux interlocuteur de Vincent le contacte pour que ça accélère un peu.
Un point que n’arrangent pas les dialogues à plus de deux personnages, qui sont écrits de façon proche du théâtre. Ce qui n’a pas grand chose à faire dans un roman.

Imaginons un dialogue entre X, Y, et Z, il sera écrit comme suit :

- Bla bla [X parle]
Y :
- Dialogue de Y
- Réponse de X
Z :
- Dialogue de Z

Aucune phrase pour introduire l’arrivée du personnage dans le dialogue, donc…

Malgré tout, donc, si l’auteur a ici du mal à gérer son univers et son rythme, et que quelques autres légers défauts de forme peuvent apparaître (fautes d’orthographes restées, mots ou lettres qui manquent…), on parcourt ces 284 pages avec un certain plaisir, tant l’histoire est réussie et qu’on se demande jusqu’au bout quel est le fin mot de l’histoire.
Clairement pas le meilleur de la science-fiction, francophone ou non, mais une série B sans prétention sympathique, et dont les efforts sur l’univers laissent clairement à penser que Anthony Boucard a de grands moments devant lui, surtout s’il réussit à mieux doser l’histoire, l’univers, et le rythme.
Bref, un début prometteur dans la science-fiction, à défaut d’un grand roman. Et c’est déjà pas mal, non ?
Lonewolf
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le 5 mars 2014

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