Que saura-t-on de Faustus, au fil de cette novella spirituelle où l'on ne dit rien, finalement, d'un trajet intérieur, sinon par l'anecdote des rencontres et la façon dont le corps se plie à l'âge, à l'expérience, aux événements ? Bien peu, ou beaucoup, selon qu'on se plait ou non à décrypter les signes - ce à quoi l'auteur ne nous y convie guère, pas plus qu'il ne nous en dissuade. L'ermite reste énigmatique dans ses envies de solitude, dans sa foi si simple qu'elle se confond presque avec une méditation de laquelle Dieu s'absente. Nul miracle obvie ne vient, comme jadis Constantin, le confirmer ni le détourner. Son besoin de solitude paraît ne s'ancrer que dans la recherche d'un lien à la nature seule, et la certitude, toujours plus profonde, de ce lien. Et c'est la nature qui me semble le véritable point focal de ce court récit - celle de Provence, des hauts jusqu'à la mer, et la façon dont elle informe les corps diversement engagés dans l'ascèse, depuis les cénobites perchés sur les murailles grêlées jusqu'au bouddhiste immobile en sa grotte, attendant l'illumination physique du solstice comme une révélation annuelle. Il n'y a de progression des uns et des autres que dans l'immersion dans le flux des saisons, dans le mouvement d'un lézard, dans les macérations qui font le corps se faire écorce et mousse. Deus sive natura - mais en un sens physique, d'une sensorialité immédiate, et immédiatement intense. Peut-être d'aileurs conviendrait-il de dire Deus igitur natura, Dieu restant objet de prière et de méditation, mais comme caché par le flux de sa manifestation : il n'y aura pas d'autre théologie que celle du givre, de la canicule et de l'agitation au loin des hommes - pas d'autre enseignement que celui d'un retour forcé, mais vite accepté, dans le flot du monde.


Je reste donc sur ma faim - un amoureux de la Provence s'y retrouverait sans doute mieux. Et la spiritualité qui pourrait imprégner ces parfois belles lignes est sans doute trop diffuse - ou moi trop citadin pour savoir la lire - ou incapable de déchiffrer les signes que l'auteur y aurait laissés (ce n'est pas exclu, certains épisodes du voyage au travers de la Provence sont pour moi énigmatiques). Pour autant, l'ouvrage, bellement écrit, trace un portrait plausible du solitaire, et résonne des lumières du Pays de sa retraite. Autant d'échos plaisants.

Kliban
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le 7 avr. 2016

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