Une singulière comptine

Lola et Léo sont deux amis qui vivent à Longwy, une bourgade sans intérêt que les jeunes ne pensent qu'à quitter pour rejoindre la capitale. En attendant ce départ libérateur, Léo invente pour Lola un monde où tout les deux sont protégés, lui de sa sexualité, Lola de sa famille, de ses angoisses et du carcan d'apparences qui l'étouffe : c'est Lulaby, une ville en tout point semblable à Longwy, sauf qu'ils peuvent y être amis. Car tout sépare Lola et Léo : Lola est populaire, Lola est belle, Lola est une déesse. Léo est gros, Léo est scolaire, Léo est P E D E. Mais Léo aime Lola, qui ne l'aime pas comme lui l'aime. Car comme toutes les filles du lycée, Lola est amoureuse d’Adam, Adam qui est viril, Adam qui est populaire, Adam qui sent bon. Pourtant Léo aurait été parfait pour Lola, mais il n’est pas assez beau. Léo aussi aime Adam, qui l’attire irrésistiblement. Mais Lola a été choisie par Adam, ils doivent être ensemble, ils sont parfaits ensemble, elle rêve déjà de son mariage avec lui.

L'été à Lulaby se distingue par la finesse avec laquelle la thématique de l'adolescence y est abordée : Remy Giordano explore avec intelligence les émotions, les conflits intérieurs et les tourments intenses de ceux qui ont quitté l’enfance, autant de bouleversements qui façonnent déjà l'adulte qu'ils deviendront. On pense parfois à Hervé Guibert, tant dans les thèmes choisis ( la découverte de la sexualité, de l'amour, l’homosexualité, le rejet, le poids des apparences) que dans la façon de les retranscrire : écriture sèche, crue, acide, introspective, répétitive et surtout, nominale et érotique. Pourtant, la chronologie très particulière de l'histoire et le choix des points de vue, très intéressant, font toute la singularité de ce roman finalement très dur, sous ses apparences de romance adolescente.