James Ellroy achève sa première trilogie avec un véritable chef d'oeuvre qui contient toutes ses obsessions portées à incandescence. La colline aux suicidés est une sorte d'exultation primitive, de réelle frénésie où se mêlent les visages multiples, allégories de toutes ces directions contraires, fruit d'un déterminisme aux contours mystérieux, lui même d'un calvinisme protestant qui inspire tant l'auteur dans l'ensemble de son oeuvre. Ici, l'auteur ne reproduit pas une structure narrative binaire où s'opposeraient deux figures semblables, aux innocences souillées, et dont les âmes seraient pour d'obscures raisons qui seraient celles de la Providence marquées chacune par les sceaux de la salvation ou de la damnation. Ainsi, pour l'amour d'une femme, un jeune détenu au passé difficile décide de se lancer, avec l'aide de deux frères mexicains au passé trouble, dans des cambriolages d'un nouveau genre. Bien sur, la situation va terriblement dégénérer et produire de terribles conséquences pour nos personnages, et notamment pour Lloyd Hopkins qui trouvera, au bout du chemin, la voie du pardon.


Parce que le sujet du livre est évidemment le pardon, et plus généralement, la rédemption. Dans un monde protestant marquée par l'austère figure de la Femme où tout salut est impossible, et dans lequel les âmes ont déjà en leurs seins les germes de la putrescence, l'auteur cherche avec difficulté à comprendre les logiques mystiques d'une possibilité d'être tout simplement sauvé. Et autant dire qu'il n'y parvient pas aussi bien qu'il ne le pense. Pourtant, dans un style ellroyen embryonnaire, qui n'est pas encore la fameuse narration épileptique qui fera son succès, le Roi du roman noir signe un roman palpitant et finalement assez profond. Bien sûr, parfois, la noirceur, la cruauté et le cynisme de l'auteur ont de quoi bouleverser même pour ce qui est convenu d'habitude dans le genre du roman noir. Il y a des moments si glaçants dans le roman qu'il est aisé de rester bouche bée à leur lecture. Parfois, James Ellroy se complaît tellement dans les ténèbres du désespoir qu'il en devient touchant, et même un peu naïf. Innocent, d'une certaine manière. Et même si de nombreuses questions restent en suspens, cela vaut particulièrement le détour.

PaulStaes
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le 20 oct. 2019

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