L'actualité n’arrête pas d'évoquer dans la rubrique fait-divers la maltraitance faite à l'enfant. Aujourd'hui plus que hier, mais est-ce bien le cas? La littérature et les faits divers sont là pour nous rappeler que de tout temps, dans toutes latitudes et dans toute classe sociale, les violences sur les enfants marquent bien ce statut de non droit ou d'affirmation de la toute puissance parentale, voire des adultes dans l'entourage de l'enfant.
Entre autres, rappelons Alice Miller, (psychothérapeute suisse, née en 1923 à Lvov -alors en Pologne- décédé en 2010), qui a consacré ses travaux et pendant plus de vingt ans nous a alerté sur les «racines de la violence dans l'éducation de l'enfant»). Récemment, lors de la condamnation d'un père à une amende pour avoir giflé son enfant, on a entendu et lu plein de commentaires, minimisant la "correction éducative".
 A cet égard le livre de Céline Raphaël, La Démesure [sous titre soumise à la violence d'un père] aux éditions Max Milo, paru en début d'année, est instructif et éclairant.
 La qualité de ce livre, qui n'est pas seulement un témoignage, est dans l'écriture et la force de sa description. C'est le récit d'un contexte familial, d'une vie confortable sur le plan matériel, d'un réseau de "haut niveau" économique et culturel, notamment une place importante consacrée à la musique et à l'apprentissage du piano, qui viendra dans cette famille et du fait du père un "objet de torture".
C'est un livre, qui décrit et analyse bien la progression de l'acte de maltraitance, tout un chemin psychologique, devenu le fondement de la famille, dans la relation père-fille, où les valeurs énoncées s’adaptent, se modèlent à l'obsession du père de faire de sa fille (très douée) une pianiste d'excellence... «être père d'une virtuose». Et comment dans cette famille, et d'autres familles, l'enfermement familial, le secret, rendent les autres complices, impuissants, inhibés d'une quelconque réaction (la mère, la petite sœur).
 Et Céline Raphäel montre bien comment à un moment donnée elle arrive à faire le pas pour ne plus subir l'insupportable. Infirmière scolaire, assistante sociale, Juge des Enfants... il s'ouvre alors pour elle un nouveau chemin, lui aussi rempli de sursauts, de difficultés, de "maltraitances" autrement. C'est son parcours d'enfant victime, d'enfant placée, d'enfant de foyer de l'aide sociale à l'enfance. Elle nous raconte avec détail et, chose rare, sans jugement, le parcours imposé par les services qui s'en occupent de la protection de l'enfance. On devine les à peu près, les incohérences, l'absence de concertation et de communication entre les Services. Pris sous cet angle, son livre mérite, et serait un outil important, de figurer dans la formation des professionnels de l'enfance. Les questions qu'elle soulève permettent de comprendre comment à l'intérieur des Services, vu du côté des "enfants suivis", les questions sont parfois éludées, ou minimisées voire niées.

Ce qu'il me paraît utile de souligner, c'est que le livre de Céline Raphäel nous livre, à travers une douloureuse expérience vécue, des éléments de réflexion et de prise de conscience sur le rapport parents-enfants, sur les dispositifs parents-institutions-mineurs, sur la capacité de résilience des victimes de maltraitance physique, psychologique, mais aussi sur les questionnements à mener dans les secteurs soignants et éducatifs. En dehors des effets médiatiques jouant l'émotion dans des affaires "croustillantes".

Dans son livre, Céline Raphäel insiste également sur le coût en matière de santé publique des conséquences des mauvais traitements : «cécité et déficience intellectuelle chez les bébés secoués : troubles anxio-dépressifs, troubles du comportement gênant les apprentissages, anorexie, boulimie, tentatives de suicide, délinquance, impossibilité d'insertion sociale et professionnelle, répétition de la violence physique à travers les générations...»
 
Concluons avec la dernière phrase du livre de Céline Raphäel, en forme de vœu qui nous avertit et nous prévient «J'espère que ce livre aura fait comprendre que le mal n'est pas toujours criant ou manifeste pour des regards étrangers. Souvent les bourreaux paraissent respectables et les victimes se taisent. A présent, vous saurez mieux entendre la petite voix qui appelle au secours, la petite musique de la souffrance cachée».
http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/051113/la-demesure-dun-pere-maltraitant
ArthurPorto
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le 5 nov. 2013

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