Quiconque a déjà eu la chance de se rendre au Festival de Cannes sait à quel point on peut être tiraillé. Se lever à 6h pour aller voir le dernier film ouzbèke dont tout le monde parle mais qui dure trois heures (et en noir et blanc) ? Ou plutôt continuer à dormir et se réserver pour une soirée où on est susceptible de croiser tout le gratin du cinéma international ? Gérard Lefort tranche : on peut très bien faire les deux ! Ce tiraillement des extrêmes produit assurément le chaos, la confusion, l’hystérie. Cannes, vu de l’extérieur, est toujours un paradis mais, de l’intérieur, peut être vécu comme un enfer.


Gérard Lefort décrit très bien cette communauté de journalistes en quête de chefs-d’œuvre qui révolutionneront le cinéma d’auteur et dont tout le monde parlera. Pour autant, l’auteur est bien conscient de l’écart qui peut exister entre critique et public : « Certes le public a toujours raison, mais il est bien le seul » (et inversement pour la critique). Finalement, de critique cinéma, il est bien peu question dans cette Foire aux vanités. Gérard Lefort s’intéresse plutôt au quotidien du festival : comment se sustenter ? Faut-il dormir pendant les films ? Les critiques doivent-elles vraiment être livrées à temps requis pour la rédaction parisienne ? Doit-on rester sobre dans le cadre de l’exercice de ses fonctions ?


Les anecdotes pleuvent, et c’est là tout le bonheur de cette Foire aux vanités : rencontre avec Clint Eastwood, nuits de folie accompagnées de beuveries sévères, Ailes du désir léthargiques, « accident » Lars von Trier lors du Festival de 2011… Avec ce style journalistique plein de jeux de mots, ces clins d’œil qui pourront en agacer plus d’un, et cette folie furieuse de raconter un des événements les plus médiatiques au monde, Gérard Lefort nous donne envie de vivre cette parenthèse affreuse et enchantée.



8h30 : la lumière s’éteint, le film commence. Par le long plan d’une
paupière clignant au ralenti. L’effet hypnotique est immédiat. Marie
pique du nez, Olivier et Edouard se transforment l’un l’autre en
oreillers. Je suis prêt à les rejoindre au dortoir lorsque soudain,
rendu furieux par cette désertion, je décide l’inverse : calé sur le
bord de mon fauteuil pour tomber par terre si je m’endors, une réserve
d’allumettes à paupières à portée, je me mets à scruter Les Ailes les
yeux plus qu’ouverts. Dans un état proche du LSD sans LSD. Quand les
lumières se rallument, Marie a déserté depuis longtemps et Olivier se
réveille en s’étirant de bonheur : « J’ai beaucoup aimé, surtout le
générique du début ». Je sors de la salle en pétard et me réfugie au
bureau pour y écrire le papier sur Les Ailes du désir, dans un état
second très inspirant.


JulienCoquet
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le 16 août 2020

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Julien Coquet

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