Cinquième roman du lauréat du Goncourt du premier roman pour Une éducation libertine en 2008, Le Fils de l’homme se présente comme un survival où une mère et un fils se retrouvent confrontés à la folie du père.


Alléluia, il est de retour. C’est du moins ce que pourraient penser la mère et le fils à propos du retour impromptu du père, après plusieurs années d’absence. Mais de l’eau a coulé sous les ponts et les relations se sont distendues, d’autant plus que la mère et le fils étaient restés sans aucune nouvelle. A ce retour surprise s’ajoute l’étrange projet du père : retourner habiter aux Roches, une vieille maison perdue au milieu des montagnes, où le père avait déjà vécu avec son propre père. Le fils et la mère suivent le patriarche dans cette folle entreprise.


Comme un scientifique de laboratoire
Jean-Baptiste Del Amo opère comme un scientifique de laboratoire : qu’adviendrait-il si on isolait trois êtres humains, qui ne s’aiment pas particulièrement, du reste du monde ? A n’en pas douter, la situation tournerait rapidement au jeu de massacre, d’autant plus lorsque la mère, enceinte, nécessite et réclame une aide extérieure. A la vision d’un homme en harmonie avec la nature, Del Amo oppose celle d’humains en combat constant avec celle-ci. *Le Fils de l’homm*e s’inscrit dans la droite ligne des films d’horreur « survival » : des personnages doivent survivre dans un milieu hostile. Difficile de s’empêcher de penser à Antichrist de Lars von Trier (2009), dans lequel Charlotte Gainsbourg et Willem Dafoe partaient en forêt s’isoler dans un chalet pour resouder leur couple après la mort de leur enfant.


Après avoir abordé le thème de la filiation dans Règne animal en 2016, Jean-Baptiste Del Amo remet le couvert en se posant la question de la transmission de la violence. Par retours en arrière subtils, Del Amo définit les questionnements de ses trois personnages. Les non-dits et les secrets pèsent sur cette petite communauté. Si faire société permet justement de nouer des relations extérieures au cercle familial, ces trois êtres coincés aux Roches ne peuvent que se replier sur eux-mêmes.


Une prose gracieuse
Le Fils de l’homme permet de retrouver la prose gracieuse, que certains trouveront ampoulée, de Jean-Baptiste Del Amo. Les longues phrases s’enchaînent, entraînant le lecteur dans son sillage. Pour autant, je suis plus réservé sur le côté didactique du roman : on sent derrière Le Fils de l’homme le « projet ». Les quinze premières pages sur la Préhistoire ou encore la description du tableau Christina’s World d’Andrew Wyeth font paraître les grosses ficelles. On comprend que Del Amo a souhaité peindre une histoire universelle de l’Homme (forcément avec un grand H), notamment en ne nommant pas ses personnages, mais les traits sont un peu trop grossiers pour susciter un enthousiasme sans faille de mon côté.


« Une trouée de la forêt ouvre sur des prairies étagées en terrasses alluviales, façonnées par des contreforts de schiste gréseux. L’air est ici pur et vif, bien qu’il ne souffle aucun vent et qu’un brouillard dense recouvre ces étendues herbeuses, se mouvant lentement jusqu’à verser dans la vallée. Une bruine froide se dépose sur le visage des marcheurs tandis qu’ils suivent une piste ténue, peut-être tracée par d’anciens troupeaux, et progressent parmi les touffes d’ivraie jaune. La mère et le fils observent ces landes fantomatiques qui semblent flotter en apesanteur entre terre et ciel, le brouillard effaçant toute perspective. »

JulienCoquet
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le 20 août 2021

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Julien Coquet

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