La chronique d’El Chocón, petite ville de Patagonie, florissante à l’époque où la société nationale Hidronor s’y est établie pour construire un gigantesque barrage hydraulique, puis livrée à elle-même une fois les travaux terminés. Jusqu’au jour de 1993 où un explorateur du dimanche, nommé Ruben Carolini, est tombé sur un fossile de Giganotosaure dans le désert, initiant une fièvre du dinosaure à donner le tournis. Car à partir de cette découverte, survenue pile au bon moment pour profiter de la vague médiatique de Jurassic Park, c’est toute l’économie de la région, rapidement rebaptisée « vallée des dinosaures » qui s’organise autour de ce filon. L’opportuniste José Luis Mazzone, maire d’El Chocón, s’empresse de construire un musée pour attirer les touristes, et transformer sa petite ville en étape obligatoire sur la route de la mythique terre de feu. Mais c’est sans compter sur la ville voisine de Plaza Huincul (elle aussi sinistrée après le départ d’une compagnie pétrolière, YPF) qui rentre dans la danse, après avoir exhumé ses propres fossiles, tout comme Los Barreales, qui installe un centre paléontologique et voudrait y percer un tunnel de 200 mètres pour observer les couches géologiques.
À partir de là, dans une vallée qui n’a guère d’autre atout à faire valoir, c’est à qui exposera le dinosaure le plus grand, le plus féroce, le plus rapide, etc. : une vraie guerre des dinosaures, dans laquelle la mégalomanie des politiques (« mon vœu, c’est qu’El Chocón devienne Disneyland ») répond aux coups bas et manigances des scientifiques pour se discréditer les uns les autres, ou pour faire main basse sur les découvertes de divers aventuriers en mal de sensations fortes – et qui, eux aussi, sont souvent de doux dingues. Têtes de tyrannosaures jouées aux cartes par des paléontologues ivres, calomnies diverses, vieilles rancunes tenaces : les rebondissements sont nombreux quand on creuse un peu la terre de la province de Neuquén. D’autant que le tableau est complété par la présence des fondamentalistes religieux qui ont à cœur de prouver, selon leur interprétation littérale de la bible, que les dinosaures étaient présents dans le jardin d’Eden, et pour les plus petits d’entre eux, sur l’arche de Noé…
On se laisse gagner par l’atmosphère mélancolique de ce texte bien construit et subtil, ressemblant un peu à une comédie triste – et misanthrope – des frères Coen, où chaque personnage se montre à la fois pathétique et égoïste. Mais on s’attache quand même à la galerie de personnages que nous dépeint l’auteur, sauvés par leur côté loufoque.

Peter_Saras
8
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le 7 mars 2020

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