Le principal attrait de Sleepy Hollow se trouve dans le fait qu'il nous rappelle la définition initiale du genre fantastique. Une définition qui pour ma part me fascine tant elle est propice à façonner des histoires complexes et infiniment passionnante. Le fantastique ne se situe donc pas dans la création d'univers imaginaires, où l'on côtoie des êtres irréels dotés de pouvoirs surnaturels. Le fantastique se situe à la frontière entre le réel et l'imaginaire, quand on ne sait plus de quel côté l'on se trouve, et que jusqu'au bout on doute, on hésite, on ignore... perdu dans le brouillard de nos représentations.

Sleepy Hollow est considéré comme un des fondateurs de ce genre. Je l'avais déjà lu il y a quelques années, dans le cadre d'un cours qui comparait ledit livre et son adaptation cinématographique qui n'a rien à voir. Le film de Burton lui est surnaturel, tandis que le livre reste toujours fantastique. J'en avais un bon souvenir, justement grâce à cette part de mystère. Maintenant je me rends compte que c'est ce cours très intéressant qui avait renforcé mon intérêt pour le livre.

Sleepy Hollow conte l'histoire d'Ichabod Crane, un professeur itinérant à la fin du XVIIIème siècle dans une Amérique encore fraîchement conquise, où les lieux sont encore habités des coutumes des colons qui s'y sont implantés. Cet instituteur est sans domicile fixe, et vit chez ses différents élèves, chacun leur tour. Finalement, le livre va essentiellement nous raconter les modes de vie de cette contrée, tout en nous parlant très brièvement des légendes locales. Du propre aveu de l'auteur, "l'histoire n'est qu'un lien fantaisiste pour relier des descriptions de décors, de coutumes, de moeurs, etc".
Au diable donc le Cavalier sans tête du titre, qui ne fera qu'une apparition finale.

Je ne suis pas contre une succession de description, pour peu que ce ne soit pas purement gratuit. Il faut que ça ait un but, que ça nous amène vers quelque chose. Quand on nous décrit l'enseignement du professeur, c'est pour donner corps au personnage, quand on nous décrit le village, c'est pour donner corps au lieu qui tient place au récit, etc... Mais ces descriptions toutefois bien écrites finissent par tourner en rond et n'aboutissent à rien. Ce qui me frappe c'est le nombre de fois durant lesquels le narrateur va nous parler de bouffe. Décrire un repas et les mets proposés, pourquoi pas. Mais répéter ce genre de descriptions encore et encore dans le roman, ça devient très gonflant. Sur ce petit livre de 60 pages, au moins 10 à 15 pages sont consacrées à la bouffe. Le narrateur ira même jusqu'à parler des animaux... et des plats que l'on peut faire avec. Pendant un moment, ça en devient presque une obsession.

Et sinon, le mystère, l'intrigue, tout ça ? Il y a bien une histoire d'amour, assez intéressante dans son traitement, mais ce n'est pas ce qui retiendra notre attention.
Alors qu'il ne me restait que 20 pages à lire, il ne s'était littéralement rien passé. Tout juste Ichabod s'était un peu rapproché de sa dulcinée.

Le tout est assez vain. Le livre est une succession de descriptions, agréables à lire, mais n'apportant pas grand chose à l'univers qu'elles alimentent. En effet, on aurait pu au moins avoir un bon livre sur les coutumes de cette contrées, mais celles-ci restent tout le temps très sommaires. On en apprend sur leur repas, sur le fonctionnement de leur mode d'éducation, sur quelques petits trucs, mais rien de fondamental qui justifient la lecture du livre. En revanche, les descriptions nocturnes sont les meilleures, elles dégagent une ambiance agréable et les métaphores employées sont souvent bien trouvées.
Mais le cavalier brillera par son absence, et là où il aurait été possible de créer une fantastique histoire fantastique, toute faite de mystère, de non dit, d'inquiétude le livre échoue complètement. On ne parvient finalement pas à s'intéresser à ce mystère. Le cavalier existe-t-il vraiment ? On s'en fout un peu. Ce n'est pas là une question qui nous taraudera, tant cette intrigue n'a que peu d'importance dans le livre entier, et tant les clés données par Washington Irving pour le résoudre semblent évidentes.

En plus long, plus développé, que ce soit dans ses descriptions pour les rendre plus riches ou dans son intrigue pour que... il y en ait réellement une, ce livre pourrait être fascinant. Mais il ne l'est pas.

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le 14 août 2013

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