J'ai lu bon nombre de critiques sur le dernier film de Christopher Nolan et j'ai pu ainsi constater que beaucoup de détracteurs s'appliquaient à chercher les moindres défauts du film, les moindres failles, pour le cisailler en beauté. Mais aucune, pour moi, n'a su pointer le problème le plus alarmant, le plus déstabilisant, le plus dérangeant.
N'est-ce pas là frustrant ? Tant de temps perdu, échappé, volatilisé, dans la rédaction de ces critiques, en vain, pour satisfaire l'inutile... Comment tant de mains réunies et de cerveaux bouillonnant ont-ils pu passer à côté de l'essentiel ? Je verse une larme à cette pensée.


Mais quel est donc le vrai problème d'Interstellar ? Voilà une question délicate à laquelle tout le monde pourra trouver sa propre réponse, et à laquelle je propose la mienne. En toute humilité. Et sympathie. Et amour. Je vous assure.


Le vrai problème d'Interstellar.... Ce n'est pas Christopher Nolan.
A l'évocation de ce nom la foule crache autant d'amour que de haine. Beaucoup ne voient en lui qu'un cinéaste prétentieux qui croit faire des films intelligents et bons, mais n'en fait pas. Ce propos est tellement appuyé qu'on a le sentiment que ces spectateurs se préparent à l'avance à écrire leur critique négative car il serait affreusement mal vu d'aimer par malheur sa dernière production (ce serait tellement hérétique qu'ils se jetteraient eux-mêmes au bûcher, pensez-vous !). Evidemment j'exagère avec dérision, et il est évident qu'il y a des défauts récurrents et agaçants dans les films du cinéaste et c'est aussi pourquoi je ne l'idolâtre pas.
Pour autant, je le respecte lui et je respecte son travail. Au-delà des défauts qui se répètent et de la qualité même de ses films, je considère que Nolan participe à l'entretien d'un meilleur cinéma de grand spectacle. Le réalisateur propose à chaque fois des films qui diffèrent de ce que l'on trouve habituellement dans les productions aussi coûteuses, apporte sa patte et surtout cherche à conserver ou retrouver la force du vrai blockbuster pensé pour le cinéma, conçu avec amour et non pas à des fins strictement financières.
Pour commencer, il s'engage à poursuivre dans les scénarios originaux, écrits pour le cinéma et non pas tirés d'une autre oeuvre, ce qui est de plus en plus rare dans les grosses productions actuelles. Oui, bien sûr, il a les Batman. Mais ces films ne s’engagent pas dans des adaptations strico sensu des Comics mais au contraire personnalisent l’univers d’une patte inédite, de scénarios inédits présentant des personnages inédits (contribuant ainsi à enrichir la mythologie, comme si un nouveau Comics sortait). Oui, bien sûr, il y a Le Prestige. Mais ce film n’adapte pas le roman de Christopher Priest mais écrit une nouvelle histoire à partir du prologue de celui-ci.
Ensuite, à l’époque du tout numérique dégoulinant, dégueulasse et abrutissant, Nolan continue de reconstituer toujours plus de décors pour limiter les fonds verts et tourner le plus possible en extérieur. De même, Christopher Nolan continue de nager à contre-courant en s’évertuant à tourner sur pellicule. Il fait aussi parti de ceux qui peuvent dire au producteur : « Non, mon film qui vous a coûté une blinde ne sera pas diffusé en 3D pour vous aider à le rentabiliser, allez-vous faire foutre ».
Et au moins pour ces raisons, je ne peux pas cracher sur le cinéaste. Bien sûr, il a ses gimmicks, comme cette volonté de tout vouloir expliquer tout le temps, ce qui peut s’avérer agaçant. Mais malheureusement, cela n’est-il pas nécessaire ? Après tout, cette réputation de « mec prétentieux qui croit faire des films compliqués » lui vient surtout d’Inception, film que beaucoup de spectateurs n’ont pas réussi à comprendre au premier visionnage car jugé trop complexe… En soi, je ne peux lui en vouloir de se mettre au niveau de tout le monde, même si cela nuit aux qualités cinématographiques de ses œuvres.


Le vrai problème d’Interstellar donc… ce n’est pas une quelconque filiation ratée avec Solaris ou 2001.
Oui, Interstellar possède des liens communs avec les deux films suscités, œuvres de « maîtres illustres et indétrônables dont la portée philosophique et la qualité cinématographique n’a encore aujourd’hui pas trouvé son égal ». Ou quelque chose comme ça.
Sur SensCritique, on se sent un peu obligé de montrer qu’on a bien une bonne culture et qu’on sait des choses. Et c’est une bonne chose, en soi, de vouloir participer à une élévation du niveau culturel. Malheureusement, ça devient presque triste quand on pousse des comparaisons au point d’en faire des reproches. Oui, Interstellar n’a pas une réflexion aussi complexe et intelligente que Solaris, on est d’accord, mais jamais il n’a eu cette prétention, et non Nolan ne s’est pas pris pour Tarkovski, bordel. Et il serait bien injuste d’en faire le reproche à Nolan. A-t-on engueulé Spielberg en lui disant que « […] Soldat Ryan » n’avait pas la profondeur des « Sentiers de la gloire » ?

Solaris est avant tout un film philosophique. Interstellar, quant à lui, questionne vaguement quelques thématiques mais ne cherche pas à avoir une portée en terme de réflexion. Les deux films parlent d’amour, mentionne la question du divin et de la toute-puissance incontrôlée et incomprise, mais dans l’exécution comme dans le traitement ces thématiques sont abordées de manière différente. L’un souhaite faire réfléchir et interroger notre nature profonde, quand l’autre souhaite avant tout divertir tout en glissant dans son histoire des thématiques qu’il aime pour rendre son film plus personnel mais surtout pour lui donner plus de consistance que la plupart des films à gros budget actuels.
La comparaison avec 2001 tient en revanche plus la route dans la mesure où les films partagent plus de points communs. Mais là encore il serait superflu de chercher à comparer les deux films qualitativement entre eux car ces deux films sont très différents au-delà de leurs quelques points communs.
Je veux bien que l’on compare Insterstellar avec ces films et d’autres encore, que l’on s’amuse à regarder comment chacun traite tel thématique. Je pense que c’est intéressant intellectuellement et que l’on peut faire ce travail. Mais je doute qu’il s’agisse du travail à effectuer pour évaluer vraiment la qualité du film de Nolan. Voilà simplement le point que je souhaite soulever ici.
Mais ce qui est le plus triste avec ces comparaisons, c’est de constater qu’elles étaient déjà là l’an-dernier avec Gravity, alors que ça faisait encore moins sens. Cela donne vraiment une impression qu’il faut caser des comparaisons avec des grands classiques dès qu’un film se déroule dans l’espace, au-delà du bon sens. Et cela participe à un agacement très prononcé pour ces comparaisons, au détriment des critiques qui le font en appuyant vraiment un propos, d’autant que celles-ci sont souvent – et là se sentiront visés ceux qui le souhaiteront – écrites avec l’air supérieur de celui qui sait et qui s’adresse à celui qui ne sait pas, non pas dans la démarche d’enseigner mais dans celle d’inculquer sa propre vérité. S’appropriant ainsi la froideur et la prétention qu’ils reprochent eux-mêmes à Nolan. Ainsi, ce n’est peut-être pas à mes yeux le vrai problème d’Interstellar… mais peut-être est-ce le vrai problème de SensCritique ?


Le vrai problème d’Interstellar… c’est que j’ai peut-être froissé quelques SensCritiqueurs avec ces quelques dernières lignes.


Le vrai problème d’Interstellar… ce n’est pas l’odyssée en elle-même.
Mais ça aurait pu. En effet, j’attendais énormément ce film pour la portée de son voyage, pour la dimension de découverte, pour l’exploration… Et j’ai au final été plutôt déçu par les planètes montrées dans le film. Le temps passé sur chacune est très court, et ne favorise en aucun cas une contemplation de la nature, de la beauté d’un monde. C’est tellement dommage dans la mesure où l’on se sent vraiment un petit explorateur qui découvre l’univers, puisque les voyages spatiaux sont abordés de manière crédible. Autant sur la planète Miller, je comprends la précipitation pour ne pas contempler les décors, autant sur celle de Mann on aurait pu faire plus rêver notre imaginaire.
En parlant d’imaginaire, il est aussi dommage de constater que les planètes restent tout de même très proches de ce que l’on connait avec nos petits repères d’êtres humains terriens, alors que j’attendais que l’on vienne plus me surprendre avec des propriétés qui nous sont inconnues. C’est l’un des plus gros reproches que j’ai à faire à Interstellar.
Cependant, le fait que les deux planètes soient relativement quelconques renforce le propos écologique du film, dans la mesure où la beauté de la planète Terre n’en est que plus forte.


Le vrai problème d’Interstellar… c’est presque son scénario tiré par les cheveux.
Et c’est vrai que ça devient agaçant au fil des films d’avoir toujours le même genre de reproches liés au scénario dans les films de Nolan. Inception ne m’avait pas tout à fait convaincu sur certaines incohérences et Dark Knight Rises finissait dans un gros n’importe quoi que je trouve de plus en plus ridicule plus le temps passe.
Pour Interstellar, c’est un peu pareil : il y a beaucoup de bons éléments mais ce sont les éléments bizarres du scénario qui tirent beaucoup le film vers le bas en cassant le délire. Sa fin complètement délirante en a laissé plus d’un derrière, et je fais malheureusement parti de ceux-là.
Si en soi je trouve l’idée du film plutôt intéressante, car elle fait appel à ce que l’on ne connait pas dans l’univers, propose quelque chose de fantastique et d’inexpliqué, et qu’on pourrait me faire rêver avec des éléments « surnaturels » ou du moins incompréhensibles pour notre logique comme ceux-là… Je trouve néanmoins que c’est très mal amené dans ce film. Tout tombe d’un coup et un peu n’importe comment, tout va trop vite et de manière trop bizarre (ridicule ?), et surtout tout semble cousu de fil blanc. Ainsi on a l’impression qu’au scénario on nous prend un peu pour des crédules, et c’est une sensation désagréable.
Déjà dès le début du film, quelque chose me dérangeait… Le fait que Cooper tombe sur la NASA pile au bon moment, pile à temps, et que c’était pile l’homme qu’il leur fallait ! Qu’on ne me fasse pas croire que la NASA ne pouvait pas appeler Cooper pour le lui proposer, si le grand chef de l’opération le connaissait personnellement… On arrête, c’est n’importe quoi, ça sort du film tellement c’est Hollywoodien. Et malheureusement, le lien entre le début et la fin ne fait que renforcer ce sentiment.


Mais voilà, ce ne sont pas ces éléments qui sont le vrai problème d’Interstellar. Et je pourrais continuer longtemps en parlant de ce qui revient dans toutes les critiques, mais il est temps d’en venir au fait.
Je sens que vous brûlez d’impatience. Bon, allez, je me lance.


Le vrai problème d’Interstellar, c’est… que vous allez être déçus par la finalité de cette critique.
Non sérieusement, j’ai fait trop de teasing, je n’aurais pas dû. N’oubliez pas que ça me regarde moi et uniquement moi, okay ? Merci.


Le vrai problème d’Interstellar c’est que…
Anne Hataway a coupé ses cheveux, BORDEL !!!
Bah ouais. C’est quand même un vrai problème. Non ? Et personne n’a relevé ça dans les critiques, PERSONNE. Alors que c’est un DRAME et que la SSC (la Société du Secours Capillaire) devrait faire quelque chose pour éviter ce genre d’acte criminel. Qu’on enferme tout de suite son coiffeur !!
Bon d’accord, elle est quand même magnifique, hein, parce que c’est Anne et qu’elle a un très joli visage. Mais quand je repense à Dark Knight Rises par exemple, je m’effondre de tristesse. Pas vous ?
Serais-je tout seul ?
Imaginez-vous, quelques secondes, à ma place. J’entends la voix d’Anne à l’écran, je m’attends à la voir arriver avec ses longs cheveux, je me la représente déjà dans ma tête, j’en suis déjà tout réjoui et là soudain ENFER ET DAMNATION !!! C’est la désillusion. Qu’as-tu fait, Anne ? Pourquoi tant de haine ?
Non vraiment, vous me trouvez toujours aussi taré ? Allez quoi, un peu d’empathie, bon sang.


Ah attendez, on me souffle qu’elle ne les a pas coupé pour ce film mais pour Les Misérables. Mince, je l’ignorais. En même temps le film avait pas l’air terrible, forcément je ne suis pas allé constater ça par moi-même. Ah, ça fait déjà presque deux ans ? Oups.
J’imagine que du coup, finalement, ce n’est plus le vrai problème d’Interstellar, non ? En même temps c’est quand même un peu de la faute à Nolan, hein. Le pauvre, à force de s’habituer à côtoyer toujours les mêmes acteurs dans ses films, il devait avoir peur de se retrouver tout seul avec juste Michael Caine pour l’épauler, il lui fallait quelqu’un du casting précédent. Et puis bon, avec Cotillard ça s’était pas trop bien passé la dernière fois, alors il ne restait qu’Anne… et il a fallu qu’elle se coupe les cheveux entre temps !! C’est une bien triste machination.


Bon, du coup je n’ai pas de réponse, je ne sais pas quel est le vrai problème d’Interstellar. Ce qui est sûr c’est qu’il envoie du lourd en temps que divertissement, qu’il en met plein la vue et que c’est toujours un plaisir d’avoir cette qualité dans un blockbuster. Il n’est pas parfait, il a de nombreux défauts, et certains plus gros que d’autres, mais il serait dommage de bouder entièrement son plaisir quand il y a bien d’autres qualités pour compenser.


PS : Que les filles aux cheveux courts (ou les copains ou parents de filles aux cheveux courts) ne prennent pas mal cette critique. Je rigolais, c’était humoristique, hein, vos cheveux courts sont très jolis aussi <3
(Mais moins que les cheveux longs, mais chut, faites comme si vous aviez rien lu).

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le 20 nov. 2014

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