Solidement documenté et romanesque à souhait, ce roman est bien davantage que la relation d'un fait divers : l'incendie du bazar de la charité à Paris le 4 mai 1897.
C'est avant tout un excellent roman-feuilleton, dont chaque chapitre vous pousse vers le suivant, et qui contient à chaque fois son lot de surprises et de rebondissements.
C’est ensuite le portrait de trois femmes qui, à un degré ou un autre, vont tenter de s'émanciper. C'est à dire de refuser leur condition, le rôle qu'on leur assigne, pour se construire un autre destin.
Il y a d'abord la duchesse Sophie d'Alençon, sœur de l'impératrice Sissi , très impliquée dans les œuvres caritatives et qui perdra la vie dans l'incendie. Un personnage ayant vraiment existé et qui vient donner le récit toute sa force et sa crédibilité.
Violaine de Raezal, jeune veuve à la réputation sulfureuse, vient en quelque sorte aider la duchesse pour assurer sa rédemption.
Quant à Constance d’Estingel, c’est surtout pour échapper à ses parents qu’elle se rend au Bazar de la Charité. Cette fillette sauvage que sa mère « ne pouvait présenter sans appréhension à ses amies, bavardant avec la cuisinière et les gouvernantes mais butée et taciturne quand on l’invitait au salon.» entend bien mener sa vie et surtout ne pas épouser le bon parti qui lui est désigné. En rompant ses fiançailles, elle croit choisir la liberté, alors qu’elle va se retrouver cloîtrée.
Mais n’allons pas trop vite en besogne. Les préparatifs, les premières heures puis l’incendie qui éclate font eux aussi partie intégrante du projet romanesque, à l’image du jeune journaliste chargé de rendre compte du drame et d’enquêter.
Car ce drame, comme beaucoup de faits divers, cristallise bien l’état de la société. Au fil des pages, tout à tour, empreintes d’émotion, de colère ou de gravité, Gaëlle Nohant entraîne le lecteur sur les pas de ses personnages. Comment auraient-ils réagi ? Quel jugement portent-ils ? Partageraient-ils l’idée exprimée par Violaine de Raezal « que s'il était un bonheur possible sur cette terre, on ne pouvait y accéder qu'en laissant mourir certaines choses en soi. Toutes ces choses lourdes, encombrantes qui étaient un grenier plein d'objets cassés et poussiéreux que l'on n'osait mettre au rebut, mais qui arrêtaient la lumière. »
Si ce livre est une vraie réussite, c’est parce que l’énorme documentation que l’auteur a ressemblée ne vient jamais entraver le récit, mais vient au contraire donner plus de vraisemblance aux caractères, affiner leur propos, souligner leurs traits de caractère. On en redemande !

dahlem
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le 16 oct. 2015

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