On ne fera pas original pour parler de Marc Behm, l'homme avait son style. Pas du genre à aller parader sur les plateaux télé ou à courir les séances de dédicaces. L'écriture ? Une activité comme une autre. Si, si. Quand l'éditeur François Guérif lui signifie que son manuscrit original Tout un roman ! aurait disparu, la sentence est lapidaire : "Tant pis". Pour Behm, prendre la plume n'a de sens qu'à un instant T, ce qu'il en advient après n'est plus de son ressors. Donc quand il se lance, il y va pied au plancher. La Reine de la nuit est un concentré de son esprit : un peu d'Histoire, pas mal d'humour, beaucoup de sexe et une tonne d'irrévérence.


Si vous êtes du genre puritain, la lecture va s'apparenter à un électrochoc à chaque page. Ça fornique de tous les côtés, les personnages inspirés par la crème du commandement SS sont littéralement mis à nu, et les horreurs qu'ils ont laissé sur leur chemin ne nous sont pas épargnées. Quoiqu'il arrive, le point central du livre demeure elle, Edmonde. Difficile de parler d'une héroïne, ses actes ne sont jamais prévisibles, au moins autant que ses pensées dont les feuillets sont inondés. Authentiquement hédoniste, alternant registre lubrique et envolées lyriques, parfois au même moment, on a souvent le souffle court en suivant Edmonde.


C'est peu de le dire, La Reine de la nuit ressemble à un flux de conscience, une biographie en accéléré. Des mémoires livrées sans filtres, pleine d'aventures, de moments burlesques et de fluides corporels. Quand bien même on la retrouve mêlée à la lie de l'humanité, elle se révèle bien plus fine et humaine que les monstres dont elle tire un portrait pour le moins moqueur. Sauf qu'à force de frayer dans les bois, on se condamne à finir dévoré par les loups. On peut apprécier tout en condamnant, le personnage en est la preuve. Il faut être honnête, une narratrice de ce type est un régal, entre ses innombrables "pouah!", ses multiples références littéraires (Shakespeare à l'honneur), ou son effronterie naturelle.


Pour les amateurs d'intrigues claires, avec un fil conducteur bien visible d'un bout à l'autre, La Reine de la nuit n'est pas un choix évident. Il y a tellement d'évènements à se succéder qu'à part les expériences sexuelles d'une jeune femme (très) turbulente, il faut accepter de se laisser emporter sans chercher. Behm avait une règle d'or : ne jamais ennuyer son lecteur. Mission réussie, le roman file tout en cumulant les scènes chocs, farfelues et impudiques. Et à le bon goût de se finir avec une énième bravade à la bienséance. Pas près de l'oublier, cette femme-là.

ConFuCkamuS
7
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le 9 nov. 2021

Critique lue 66 fois

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