La République
7.4
La République

livre de Platon ()

Pourquoi faire mal lorsqu'on peut faire bien ?

Bonjouuuuuur, je vous ai manqué ? (à lire avec la voix d'AnalGenocide, aka la référence que seul moi va comprendre, je sens..). Une petite pause et puis c'est reparti !


La République, pour restituer le contexte historique, très important pour juger Platon, fait partie des dialogues de la 2ème vague. Celui du Platon entre 40 et 45 ans, où il a mûrit par rapport à ses premiers (Apologie de Socrate, Phèdre...).
C'est aussi, et surtout, quelques années avant son expérience désastreuse à Syracuse. Souvent cité pour discréditer la philosophie politique de Plato, comme disent nos amis anglo-saxons, cela fait référence à sa rencontre avec le tyran Dennys 1er, jeune à l'époque, et à qui il voulait enseigner la philosophie et les préceptes évoqués dans la République. Résultat : 1 an de détention pour Platon, et l'effondrement de la cité quelques années plus tard. Ambiance.


Faut-il faire comme les détracteurs de Platon, ne retenir que cela pour évoquer la République ? Ma note en dit long sur ma réponse, et je vais essayer de vous montrer pourquoi la lecture de cette ouvrage est nécessaire.


Pour commencer, il détonne par rapport aux traités politiques traditionnels. La représentation de la politique chez Platon est extrêmement différente des Machiavel, Hobbes voir Locke et Rousseau. Pour Platon, le citoyen est au service du politique, et le politique au service du bien. En servant le bien, le citoyen sert ainsi le bien. C'est bien loin d'aujourd'hui et du : "la politique est au service du citoyen", impensable pour Platon, qui va longuement développer sur le pourquoi de sa philosophie.
Et c'est la grande force de Platon. Il n'est pas que la représentation de cette phrase de Gorgias : "Comme Platon sait bien se moquer", non seulement il sait discréditer les thèses adverses, mais la démonstration de la sienne m'épate toujours autant.


Pour développer, pour Platon, le bien est la seule quête valable de l'être humain. Et le bien en soi, l'essence qui transcende le monde sensible. En tant que bon essensialiste (vous sentez le dédain du nominaliste derrière son écran ? C'est bien moi), Platon considère que ce qui est "bien" dans notre société, n'est qu'une imitation imparfaite de l'essence "bien", que nous sommes incapable de voir.
Et la politique est le relai aux citoyens de ce bien. Ainsi, le politique agit par les dieux et pour les dieux. C'est la politique comme vertu.


A notre époque moderne, à l'heure des dîners fastueux aux frais du contribuable de nos ministres, cette affirmation de Platon parait totalement étrangère. A une époque aussi, où on cite régulièrement le Prince de Machiavel "le politique n'est qu'une relation d'intérêts à intérêts", la thèse de Platon paraît totalement ridicule. Mais elle tient debout, et elle est peut-être plus actuelle que jamais.


Car nuancée. La République, en effet, est une oeuvre qui ne cède jamais à l'éloge de n'importe quelle type de régime. Les détracteurs de Platon lui ont reproché son affection pour Sparte, héritage idéologique d'une jeunesse où il voyait d'un bon oeil la tyrannie des Trente de Lysandre et sa bande (il convient cependant de dire qu'un membre de sa famille, un cousin, y faisait partie, et que c'était plus pour ne pas faire de foin aux repas de famille). C'est vrai, mais Platon, fort de son intégrité philosophique qu'il désire se donner, reproche violemment à Sparte son amour du Luxe, impasse à la société bonne.


L'ouvrage est difficile ainsi à rentrer dans une case. Platon reproche à la tyrannie son goût du prestige et des honneurs, à la démocratie son conformisme, à la royauté son instabilité... il le dit à Glaucon, son frère qu'il met en scène dans le dialogue : "aucun régime que je souhaite parfaitement n'a existé ni n'existe encore". Plutôt "réactionnaire" (terme évidemment anachronique pour l'époque, c'est pour que vous saisissez mieux) dans l'éducation, qui doit être extrêmement stricte pour réformer les âmes les plus médiocres, il se montre "progressiste" en ce qu'il s'agit de la condition de la femme, à telle point qu'on a pu en faire un féminisme (même si Platon affirme en effet que les femmes peuvent faire tout ce que les hommes font, il précise néanmoins que ce travail sera de moins bonne qualité et qu'il faut donc avoir toujours une primauté masculine). Même sa vision du "bien" de la cité qui détonne sur tout le monde a pu faire dresser une analyse de Platon comme précurseur du "communisme" (selon moi, une erreur complète, j'y reviendrai par la suite).


Cette qualité a été également son défaut. Popper a déclaré que Platon faisait l'apologie du totalitarisme (l'eugénisme est en effet promeut par Platon, qui ne prends pas de gants à ce sujets). Et son extrême conservatisme (la cité n'évolue pas, en dehors de nouvelles personnes qui occupent la même tâche et la même manière de procéder). Encore une fois, ce serait enfermé Platon dans une case. La philosophie de Platon est comme la philosophie des moeurs de Nietzsche (comparaison osée, vu la critique du platonisme par Nietzsche), elle est extrêmement exigeante et ne souffre d'aucun répit.


J'estime qu'avec cette ouvrage, Platon est le créateur de l'essensialisme en philosophie politique, au delà de la métaphysique, car elle stipule que l'homme à un rôle bien précis et qu'il est le même pour tous : accéder au beau, mais que chacun a des manières différentes d'y parvenir, qu'il faudra fixer au préalable. On est loin de l'existentialisme moderne.


Je ne saurai que vous recommander la lecture de cette ouvrage. Platon est un grand philosophe et bien que la République soit la partie la plus critiquable de son oeuvre en raison d'une postérité par franchement reluisante, il montre pourquoi ce génie a été l'inspirateur des thèses théologiques chrétiennes pendant de longs siècles. Redécouvrir le divin et son action dans la vie de tous les jours, c'est Platon qu'il faut lire pour le savoir.

LinusVanPelt
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le 22 juil. 2019

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