La Solitude des nombres premiers par matteo
Alice et Mattia sont deux jeunes qui survivent tant bien que mal à un traumatisme subi dans leur enfance. Alors que son père la pousse à faire du ski de compétition, activité qu'elle déteste, Alice fait une chute qui la laissera handicapée physique. La sœur jumelle de Mattia, handicapée mentale, disparaît après qu'il l'a abandonnée dans un parc afin de se rendre seul chez un camarade. Écrasé par la culpabilité, il se renferme sur lui même et trouve refuge dans les mathématiques et l'auto-mutilation. Alice dans la photographie et l'anorexie.
Le livre raconte comment leurs chemins se croisent, régulièrement et tout au long de leur vie. Se rapprochant sans jamais vraiment pouvoir se trouver.
Paolo Giordano, jeune auteur italien, né en 1982 et terminant actuellement un doctorat de physique nous livre ici son premier roman, qui fit l'effet d'une véritable bombe dans son pays d'origine : à 26 ans il se vit décerner le très prestigieux prix Strega, ce qui correspond peu ou prou à un Goncourt en France.
Le titre du roman est une référence aux mathématiques. Un nombre premier est un nombre entier qui possède exactement deux diviseurs : 1 et lui-même. L'auteur nous rappelle (ou nous apprend...) qu'il existe des nombres premiers dits jumeaux, c'est-à-dire séparés par un unique entier pair (par exemple 3 et 5). Ces nombres partagent une singularité commune (le fait d'être premiers), et, bien que très proches, ils demeurent tout de même éloignés.
C'est cet état qui voit sa transposition directe dans le roman. Le lecteur sentira Alice et Mattia proches, partageant tous deux une histoire dure et traumatisante, mais tellement en marge des relations sociales classiques qu'ils demeureront hors d'atteinte l'un de l'autre.
Malgré le pathos que l'on peut redouter, étant donné le pitch, l'auteur parvient à éviter le piège de la psychologie larmoyante en racontant son propos avec une écriture efficace, sans fioriture et directe. Il parvient à exprimer son récit et les sentiments des protagonistes avec justesse. Le ton est froid et objectif, on retrouve la référence aux mathématiques du titre dans le style de l'auteur. En conséquence, on subit de plein fouet la violence que les personnages s'infligent. Marginalisés, et ne parvenant pas à s'insérer pleinement dans la société, ils portent en eux le stigmate d'un traumatisme vécu dans l'enfance dont ils ne peuvent (ou veulent) s'affranchir.
Le roman est violent et ne laisse pas indifférent, inspirant un sentiment ambigüe, bercé de tristesse, de mélancolie et d'étrangeté.