Je ne saurais vous dire si « La Vérité sur l'affaire Harry Quebert » est bien écrit, littérairement parlant. Ce qui est certain, c'est que ces quasi-900 pages se lisent avec une facilité presque déconcertante, rendant difficilement tenable l'envie d'avancer toujours plus vite dans le récit. Ces allers-venues temporels constants, ce narrateur attachant car brillant sans être inaccessible, ces nombreux personnages reflétant tous une part d'ombre et d'ambiguïté, cette histoire d'amour qui n'en est pas vraiment une tout en l'étant totalement...
Brillamment construit et pensé, le roman, sans jamais être moralisateur, nous offre une enquête palpitante et ô combien complexe tant les interrogations et possibilités sont nombreuses, le tout dans une logique « au fond, tout le monde est un peu coupable » que je trouve fort efficace. Peut-être pourra t-on reprocher un « excès » de rebondissements, notamment dans la dernière ligne droite
(dont certains pas si indispensables, notamment la schizophrénie de Nola),
certains points restant légèrement obscurs
(comment Harry n'a jamais pu remarquer qu'elle entretenait une relation épistolaire aussi intense avec un autre que lui ?),
sans parler d'un présumé chef-d'œuvre semblant pourtant tout avoir de la bouse littéraire au point d'en devenir ridicule (comment l'auteur a t-il pu laisser passer ça? Mystère) mais il y a une telle « adrénaline littéraire », un tel sens du suspense qu'il est vraiment compliqué de ne pas être accro, rendant presque anecdotique l'imposant volume de l'œuvre.
Même cette construction à rebours, avec « conseils » illustrant habilement chaque nouveau chapitre, ajoute un réel plaisir à suivre cette histoire dont il est quasiment impossible de trouver le fin mot, Joël Dicker n'en écrivant jamais trop ni trop peu, juste ce qu'il faut pour qu'on se dise ensuite : « mais oui, bien sûr ! Pourtant je suis intelligent, pourquoi n'y ai-je pas pensé ? ». Sincèrement, pour rester aussi clair, aussi rigoureux avec autant d'événements et de protagonistes au milieu d'une intrigue aussi sinueuse tout en remettant ponctuellement sur le devant de la scène des passages a priori anodins se révélant capitaux : chapeau. Une belle réussite, ponctuée de réflexions très justes, notamment sur les relations humaines : voilà un auteur que je suivrais désormais avec attention.