Je vous le dis en vérité, ne boudez pas votre plaisir.

Il est de bon ton en France de mépriser la réussite intellectuelle. Allez savoir pourquoi…
Mélange mièvre de petite pensée, de jalousie, de mépris… Cela existe dans plusieurs domaines, et la littérature n’en est pas malheureusement pas exclue. Il suffit de parler de Musso, de Lévy, voire de Bussi pour que certains tournent la tête en affichant un trop plein de suffisance indignée que l’on prononce de tels auteurs en leur présence. Stephen King et Philip K.Dick ont connu la même chose à leur époque. J’adore écouter la mauvaise foi, par exemple, de certains critiques du Masque et la Plume le dimanche soir sur Inter… Comme le disait Philippe Néricault, « la critique est aisée, mais l’art est difficile ». On lui doit aussi « Je ne vous dirai pas « changez de caractère », car on n’en change point. Chassez le naturel, il revient au galop »… Dont acte.


Vous lirez donc à propos de « La vérité sur l’affaire Harry Quebert » des commentaires très manichéens, soit on aime, soit on déteste en précisant bien que l’on ne comprend pas que ce livre puisse avoir reçu des prix : Goncourt des lycéens, Prix littéraire de la Vocation, Grand prix du roman de l’Académie française, et crime suprême, il a finit troisième au Goncourt ! Non franchement, quel aveuglement de la part des jurés !


Je vous le dis en vérité, ne boudez pas votre plaisir. Joël Dicker est minutieux comme tout bon Suisse, et il produit ici un ouvrage dont l’intrigue et les rebondissements sont diablement bien emboités. Ce livre est au roman d’intrigue, ce que « Usual Suspect » est au film de gangsters. Je ne peux rien évoquer du livre sans risque d’amoindrir ses effets, alors je ne peux que vous citer la quatrième de couverture : « À New York, au printemps 2008, alors que l’Amérique bruisse des prémices de l’élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d’écrire le nouveau roman qu’il doit remettre à son éditeur d ici quelques mois. Le délai est près d’expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d’université, Harry Quebert, l’un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l’innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l’enquête s’enfonce et il fait l’objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d’écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s’est-il passé dans le New Hampshire à l’été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ? Sous ses airs de thriller à l américaine, « La Vérité sur l Affaire Harry Quebert » est une réflexion sur l’Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et sur les médias. »


Bon, bien sûr, le livre n’est pas exempt de quelques petits défauts, et je n’y trouve pas de réflexion sur l’Amérique (sur le monde de l’édition, oui), mais la façon dont il dissèque la nature humaine et ses motivations souvent troubles, celles de notre mauvaise part des anges, est sans pitié. La seule qui au final voulait vivre avec ses propres choix et sa propre vérité, c’est la victime. Mais c’est fou le nombre de protagonistes qui avaient des raisons de la tuer… Ces troubles de la nature humaine, de notre humanité même, c'est-à-dire notre incapacité parfois à la compassion, à l’altruisme, à l’introspection… Ces mensonges cent fois répétés à notre propre regard ; la petitesse de l’être humain, voilà le vrai sujet de Joël Dicker ; cette intrigue aux multiples renversements n’est en fait qu’un support à la psychanalyse rapide d’une société qui va mal, dont les racines sont plongées dans ce mal-être… Et c’est avec plusieurs petits gadgets d’écriture que l’auteur nous tend ce miroir, ce qui en rend le récit encore plus captivant. Qu’importe que ce roman outrage les esthètes de l’écriture, car comme pour le cinéma dont j’attends que le film m’emporte ailleurs pendant deux heures, j’attends la même chose d’un roman, avec en plus le plaisir d’en retrouver les personnages à chaque reprise de lecture, et d’être finalement triste de les quitter à la dernière page. Et « La vérité sur l’affaire Harry Quebert » fait pleinement son office dans ce rôle. Pas surprenant qu’il caracole toujours en tête des ventes.

Kerven
8
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le 15 déc. 2015

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