Les aventures d'un Robin des Bois mexicain au Far West : voilà comment se présente "La Ballade de Joaquín Murieta", telle que racontée par l'écrivain d'origine cherokee John Rollin Ridge, alias Yellow Bird. Initialement publiée en 1854, soit dans la foulée des événements, s'agit-il d'une œuvre de pure fiction, d'un travail journalistique ou d'un subtil mélange des deux ? À l'heure actuelle, l'existence historique de Murieta reste sujette à caution. L'ouvrage de Yellow Bird est le témoignage originel sur ce hors-la-loi qui, bien que peu connu par chez nous, est passé à la postérité en inspirant notamment le personnage de Zorro.


Les parallèles avec Zorro et Robin des Bois suggèrent un rebelle au cœur généreux, mais en réalité Joaquín apparaît comme un bandit bien plus aiguillonné par la vengeance et l'appât du gain qu'épris de justice. Si l'on comprend aisément ses motivations initiales (le frère assassiné, la compagne violée...), son combat contre l'oppression prend rapidement une tournure sanglante, et même assez méprisable puisqu'il ne s'agit pas tant de voler aux riches pour donner aux pauvres que de dépouiller les faibles pour s'accaparer leurs biens : on est dans le contexte extrêmement violent de la Ruée vers l'or, où le moindre prospecteur venu tenter sa chance en Californie peut finir égorgé au détour d'un chemin pour une poignée de pépites, ou pour quelques dollars de plus ! Tout au long de ma lecture, j'ai d'ailleurs imaginé Joaquín sous les traits d'El Indio, le terrible chef de bande magnifiquement incarné par Gian Maria Volonté dans le film de Sergio Leone... et Klaus Kinski ferait un très bon Jack-les-Trois-Doigts, le psychopathe qui exécute les basses besognes pour son supérieur.


La préface de 1854 ne cherche pas à faire passer le livre pour plus qu'il n'est : on est dans le registre du "dime novel", pas dans la grande littérature, et l'écriture de Yellow Bird est surtout fonctionnelle... encore que l'auteur se laisse parfois aller à certaines envolées lyriques, qui tranchent avec la narration assez neutre de l'ensemble. le plaisir de lecture tient surtout à l'imagination sans cesse stimulée, de la première à la dernière page : assez sommaire d'un point de vue littéraire, ce récit laisse la porte ouverte à une grande fresque épique sur la carrière criminelle de Joaquín Murieta qui, semble-t-il, reste encore à écrire.


"La Ballade de Joaquín Murieta" s'inscrit dans la lignée d'autres écrits sur l'Ouest américain publiés par Anacharsis, un excellent éditeur que je suis attentivement depuis des années. Leurs ouvrages sur Billy the Kid et Jeremiah Johnson m'avaient déjà plu, et il en a été de même avec Joaquín Murieta, que je recommande à tous les amateurs de western.

Oliboile
7
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le 17 mars 2024

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