La compagnie des livres, quel beau titre donnant envie de tourner des pages ! Avec ce roman, Pascale RAULT-DELMAS signe chez Mazarine, un bel album souvenir. Pour moi qui ai vécu Mai 68 à l’aube de mes 16 ans, j’ai lu cette histoire avec une nostalgie bienveillante pour les questions qui se posaient alors et qui, parfois, n’ont toujours pas obtenu de réponses solides.
L’auteure nous raconte la vie d’alors. Elle l’interroge aussi, souligne ses ambiguïtés, ses errements entre les idées et la réalité. Tout y est abordé : la famille, la place et le rôle attribués au garçon ou à la fille, les liens intergénérationnels avec les parents, les grands-parents, les modes de pensées rurales qui peu à peu deviennent citadines, l’école qui pense encore que l’élite doit être en gréco-latines, les petites gens qui pensent qu’un gamin doit gagner sa vie et que la poursuite des études est inutile, les notables qui pensent qu’il ne faut surtout pas favoriser la mixité sociale qu’ils ne nomment pas de la sorte, d’ailleurs, malgré la contestation avec ses rêves sous les pavés et les coups de matraques sur la gueule !
Sans oublier la drogue et la liberté sexuelle ou ce qu’on prend pour telle et, bien sûr, les pantalons pattes d’éléphant, les cols roulés et les barbes qui fleurissent derrières les guitares, Pascale RAULT-DELMAS fait revivre cette époque à travers l’histoire d’Annie, une enfant qui se cherche entre les accrocs et les désespérances de la vie, la rigidité des codes de l’éducation et l’amour, même maladroit, de ses parents et grands-parents.
Même quand ils sont défendus, mis à l’index ou classés par catégories strictes d’âge et de sexe, les livres circulent de mieux en mieux et quelques adultes ont très bien saisis l’importante d’ouvrir les jeunes à la lecture.
La chance, le refuge d’Annie, son amour des livres et un garçon-fantôme.
Un roman féministe avec lequel tout homme quelque peu censé ne peut qu’être d’accord.
Pascale-RAULT-DELMAS écrit d’une manière limpide. Elle raconte, sans tuer l’histoire par des envolées stylistiques inutiles. Elle utilise les clichés de l’époque qui peuvent parler à tout un chacun et un schéma narratif assez conventionnel : la situation initiale, les perturbateurs et la dynamique qu’ils engendrent en opposition avec les facilitateurs et la situation finale triomphante. C’est assez basique mais efficace. Après tout, on ne demande pas à un album souvenir (l’auteur a vécu Mai 68 à l’âge approximatif de son héroïne) de compliquer l’histoire. On lui demande de nous aider dans le travail de mémoire qu’il permet et celui d’interrogation de notre présent si on veut en mesurer l’évolution. Objectifs atteints par l’auteure dont « La compagnie des livres » est le premier roman. Titre qui a, par ailleurs été primé au concours littéraire de femme actuelle 2015.

Créée

le 20 août 2018

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