« La débrouillardise » de Lucie LAND, roman paru aux Editions Grasset le 14 février 2018 est un roman atypique.
Katarina, jeune rom de dix-sept ans est en décrochage scolaire. Exclue de son lycée, le jour, elle occupe sa vie à traîner en ville ses pensées sautillantes et la nuit, elle va rejoindre ses frères, tous musiciens, qui servent de faire valoir au père, Zéus, accordéoniste virtuose, séducteur, alcoolique et cabotin. La famille vit en caravane, eux rêvent d’une belle et grande maison. Katarina rêve davantage à bouger, se déplacer, partir, peu importe où. Sans le sou mais débrouillarde et se contentant de peu, elle va partir pour Marseille … C’est pour elle un voyage initiatique. Bien que vaguement promise à Chavalo, un ami d’enfance, c’est par un petit bourge parisien qu’elle se fera déflorer. Puis elle rencontrera Benti, un monsieur plus âgé qu’elle qui sera un ami et un créateur de rêve. Suivant ses idées, elle se lancera à la poursuite d’un trésor… Le trouvera-t-elle et quelle en sera la nature ? En tous cas, c’est la vie qu’elle découvre avec des inconnus qui passent, des amis de rencontre qui dépannent et puis s’oublient et des personnages, souvent flics, fantômes personnels ou contrôleurs qu’il lui faut apprendre à éviter.
L’histoire se tient. Mais qu’apporte-t-elle au lecteur ? Une vision de l’errance, un portrait d’une société parallèle ? Peut-être, pas sûr ! Le roman est tellement lacunaire sur les points d’articulation des étapes de la vie de Katarina et sur ses pensées que le lecteur n’est pas certain de disposer de toutes les cartes pour en comprendre le sens.
Quant à l’écriture, elle pose question. Est-ce par mimétisme avec le bagage lexical supposé de l’héroïne que l’auteure a choisi une écriture minimaliste faite de phrases courtes, sautillantes, le plus souvent digressives, détachées du sens de celles qui les encadrent ? Est-ce pour mieux coller à Katarina que l’auteur donne, à l’envi, des coups de canifs dans les règles grammaticales et abuse de mots argotiques, d’anglicismes ou de néologismes pas toujours de bon aloi ? C’est un choix. C’est le sien. Mais il ne fait pas le bonheur du lecteur que je suis. Pour ma part, j’ai regretté cette écriture construire sur base de mots empilés, à coups d’expressions telles « je suis pas un sauvage » (oubliant la négation), « la belle France qui décadence » ou « tu te retrouves enchâmouillée » (intérêt de ces néologismes ?) ou « donne-moi un livre et je serai l’apprentie sorcière d’un monde invisible » (quel est le sens à donner à cet assemblage énigmatique de mots ?). A mes yeux, le style choisi alourdit inutilement la lecture, dommage !
Tout de même quelques belles idées, citations, tournures de phrases à relever :
• Nous deux, c’est comme une évidence. Je ne sais pas si c’est de l’amour ou de la facilité. Le temps le dira.
• Un jour, je serai quelqu’un et on me suppliera d’accepter ce modeste titre de séjour ad vitam Moi, je danserai bien sûr et je remercierai.


« La débrouillardise », de Lucie LAND reste un roman à découvrir. D’autres, j’en suis sûr, y trouveront plus de plaisirs que moi et le thème de l’errance dans nos villes, nos rues est manifestement un sujet à exploiter pour inviter les lecteurs à y réfléchir. Merci donc aux Editions Grasset et à NetGalley qui m’ont permis de découvrir ce roman.

Créée

le 28 mars 2018

Critique lue 177 fois

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