Laurent Alexandre nous met efficacement en face de l'impressionnant développement des technologies NBIC, sigle qui signifie Nanotechnologies, biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives. Son utilisation d'exemples issus de la culture populaire (Matrix, Bienvenue à Gattaca...) est bienvenue, facilite la compréhension du message. Ses comparaisons des progrès actuels aux progrès passés relativise les peurs et les pessimismes (la comparaison entre les taxis se révoltant face à UBER et les révoltes luddites est frappante). Un autre exemple exposé est celui d'un métier entièrement remis en question par l'arrivée d'une intelligence artificielle, l'orthodontie, alors que cette branche pensait en être prémunie pour longtemps encore.
Il nous rappelle que la principale discrimination est celle de l'intelligence, que les moins doués seront mis au ban. Ses propositions pour mettre l'éducation au centre et au-dessus de tout paraissent à ce titre évidente. Pour cela, il précise que les NBIC aideront à développer une école rationnelle, aux pédagogies neurologiquement optimisées, ce qui serait tout le contraire de l'éducation à la chaîne d'aujourd'hui, aux pédagogies variant en fonction des préjugés et de la fantaisie des professeurs.
On trouve dans ce livre très sérieux, au style enchaînant les affirmations nettes, parfois péremptoires, non sans répétitions d'ailleurs, probablement par pédagogie, quelques petites pointes d'humour assez caustiques. De l'ensemble du livre se dégage un optimisme, teinté de prévention. Le ton se veut plus visionnaire et descriptif, qu'autoritaire et prescriptif : l'idée transmise est que l'arrivée de bouleversements est inéluctable, et que si nous restons passifs, dédaigneux voire régressifs, nous courons le risque de nous mettre à la marge.
Un des passages les plus marquants :
"Aucun d'entre nous ne peut dire s'il vaut mieux devenir tout-puissant et conquérir l'univers pour en empêcher sa mort, ou s'il est préférable de cultiver ses rosiers en jouant avec ses petits-enfants, génération après génération, en lisant Proust jusqu'à l'explosion de notre soleil.
Mais les transhumanistes prendront, à terme, le pouvoir. Le pouvoir démographique parce qu'ils vivront plus longtemps du fait de leur acceptation illimitée des technologies anti-vieillissement. Le pouvoir économique et politique parce qu'ils seront les premiers à accepter les technologies de neuroenhancement."