Quand on termine la lecture de La main de Joseph Castorp, on se demande comment nous avons été ainsi pris par les péripéties de cette vieille famille et laissé guider dans les détours de ces trois générations si mouvementées.

Les Mendes, Augusto médecin qui s'installe dans un village dans la vallée da Serra da Gardunha, son fils Antonio qui a fait deux campagnes en Angola pendant la guerre coloniale et revient traumatisé par l'horreur et Duarte, le petit-fils, qui a un don, enfant prodige et serait un vertueux pianiste de Beethoven e Bach.

Le livre commence par une mort tragique et mystérieuse le 25 avril 1974 qui ébranle le village alors que le même jour à Lisbonne et ailleurs éclore la révolution des œillets. Comme quoi les événements du calendrier, sont aussi des événementsd pour d'autres raisons ou faits...

L'écrivain Joao Ricardo Pedro, avec son premier livre et après ce début historico-fait-divers nous ouvre grand le temps du récit entre la première grande guerre jusqu'au mur de Berlin voire au-delà et l'espace géographique du roman qui nous promène de ce petit village "dans l'antre du démon, même les serpents s'enfuient de là-bas", à la guindée Queluz, dans la périphérie de Lisbonne, ou en Angola, en passant par d'autres villes du monde dont Vienne où le professeur de piano de Duarte nous révèle un Bruegel, dont la copie d'un détail fera des longs voyages, et d'une chambre d’hôtel de Buenos Aires sera déposée dans la maison des Mendes dans ce « trou du monde » comment un cadeau pour Duarte.

Tout ce périple, sans chronologie, nous est raconté en sept parties, comme si l'auteur nous laissait le loisir et la liberté de les reconstituer, de trouver les clés proposées ou de les inventer, toujours dans l'attention de ce pays sous Salazar et après le vingt cinq avril soixante-quatorze.

Le régime, comme on disait de la plus vieille dictature en Europe, il n'est qu'évoqué dans ses méthodes, son poids, son arbitraire et sa guerre en Afrique où Antonio, fourrier, sous-officier chargé de l'intendance, aux côtés de Spinola, général Portugais, perd sinon sa tête en tout cas le discernement, rentrant au pays avec des accès de démence et d'une progressive folie.

Et o Indio, jeune scolaire, pauvre et mauvaise élève, considéré par Duarte comme le plus grande artiste à qui il dédie un concert, tant il est sensible à son coup de crayon, et qui laisse planer cette inégalité sociale entre enfants, même dans la plus petite ville...

D'une écriture limpide, des phrases ciselant finement les contours, laissant apparaître des détails signifiants, sans nous tromper dans le chemin créatif tout en nous permettant de prendre des raccourcis ou des déviations. Tel a été en tout cas le plaisir que j'ai eu à lire la version française.

La traduction d'Elisabeth Monteiro Rodrigues, qui semble avoir travaillé avec l'auteur en grande liberté, est de qualité aidant toujours à contextualiser quelques points qui pourraient passer inaperçus ou incompréhensibles au lecteur. Le titre, n'est pas la traduction littérale du Portugais, O Teu Rosto Sera O Ultimo, considéré "trop plat en français". La trouvaille de La main de Joseph Castorp, me paraît comme une forme de "rendre hommage au pianiste (auquel ?)".
http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/010114/les-mendes-portugal
ArthurPorto
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le 1 janv. 2014

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