Si l'on ne devait retenir que deux moments inoubliables des Jeux olympiques du XXe siècle, ce seraient l'incroyable performance de Jesse Owens à Berlin en 1936, athlète noir narguant les théories raciales de Hitler, et la perfection de l'ange Nadia Comaneci à Montréal 1976, un coup de foudre planétaire et une déflagration qui affecta même les ordinateurs non programmés pour afficher un 10 sur 10. Deux exploits sportifs mais deux symboles politiques, aussi, contre le nazisme, d'une part, en pleine guerre froide, d'autre part. Que l'on connaisse peu ou prou l'itinéraire de Nadia, La petite communiste qui ne souriait jamais est un "roman" passionnant. Parce qu'il raconte l'histoire d'une icône magnésique et magnétique, que l'on se pressa de dénigrer vite car on l'avait montée trop haut, trop vite, trop fort. Parce que Lola Lafon décrit les coulisses : la discipline de fer, on l'imaginait, l'ambition dévorante d'un mentor, on la savait, la faim qui tenaillait continuellement les estomacs, on la pressentait. Et cette fascination de l'occident pour cette poupée froide et inexpressive, gamine des Carpates venue irradier le monde le temps d'un été. En imaginant un dialogue imaginaire avec Nadia qui corrigerait son propre texte, Lola Lafon détruit d'elle-même tous les clichés ou tout du moins les nuancent : capitalisme vs communisme, jeunes filles vs femmes, domination vs esclavage. La petite communiste qui ne souriait jamais va au-delà de la biographie, s'insinue dans les méandres du sport spectacle et de l'érotisation des corps, dans l'antichambre de Ceausescu (on a oublié qu'il était à une époque une sorte de despote éclairé s'insurgeant contre le "grand frère" soviétique). Plus dure sera la chute et le livre se fait alors cruel. Nadia prend du poids, Nadia fricote avec le pouvoir, Nadia n'est plus ce joli écureuil capricant, Nadia fuit le régime qui l'a fait reine. Dans un style qui bondit au-dessus des barres parallèles, la romancière tisse une aventure qui tient autant de la légende que de la vérité. Aujourd'hui, Comaneci est heureuse aux Etats-Unis, il n'y a plus rien à dire d'elle. Ce qu'elle fut, la façon dont elle a vécu ce sacerdoce et ces sacrifices, dans le sang, la sueur et la sciure, avant la gloire et le triomphe, reste finalement un mystère. Il lui appartient à jamais.

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le 25 avr. 2017

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