Après un livre que j'avais bien apprécié- la démocratie des crédules parce qu'il incitait à penser contre soi-même - retour à Gérald Bronner

dans ce texte assez bref (140 pages) où il se propose de "réenchanter le risque" en prenant à partie deux adversaires- "l'androphobie" de certains militants écologistes radicaux et "l'heuristique de la peur" de Hans Jonas.


Sur la première partie, il se livre à une critique, plutôt convaincante, d'une thèse contemporaine pessimiste pour l'avenir et assez répandue selon laquelle par sa cupidité seule, l'homme se détruirait et détruirait son environnement, qu'il estime apporter peu à la capacité d'introspection de l'être humain- ancienne et continue.

Il s'attaque au passage aux antispecistes accusés de confondre l'homme et l'animal alors que le premier aurait un cerveau bien plus développé- ce qui est un peu limite puisque la thèse antispeciste repose d'abord sur la capacité à souffrir et non le développement cognitif élaboré des animaux- mais passons.

Ce qui permet d'arriver à la deuxième partie de son livre qui vise à critiquer le "principe de responsabilité" de Hans Jonas, philosophe allemand devenu "principe de précaution" qui implique pour le dire sommairement de s'abstenir d'actions qui seraient susceptibles de détruire l'humanité, même de manière incertaine. Si la critique de ce principe peut se comprendre- notamment parce que potentiellement très peu de nouveautés technologiques pourraient passer- sa position amenant à considérer qu'il serait préférable de renoncer à l'heuristique de la peur est soutenue par une argumentation qui laisse songeur: la Terre étant condamnée à disparaître à longue échéance, l'humanité doit pouvoir faire le pari technologique de la quitter, ce qui nécessite un bond dans l'innovation exclut par l'heuristique de la peur, les conséquences et interactions technologiques étant par nature imprévisibles.


Cette argumentaire pour n'être pas entièrement faux interroge sur le sérieux avec lequel Bronner s'est penché sur les enjeux des dégradations environnementales contemporaines, surtout lorsqu'il est mâtiné de réflexions techno-optimistes sur le fait que les technologies sont devenues moins energivore donc que c'est une forme d'investissement. Sans compter la forme de pari pascalien sur les innovations technologiques qui auraient de bonnes chances de nous permettre de traverser la crise environnementale sans vraiment avoir à fournir d'efforts individuels ou collectifs pour y parvenir. Avec en prime une conclusion sur la primauté de notre caractère d'humain sur celle de terrien qui illustre bien le côté ne nous laissons pas limiter par notre berceau quand même qui imprègne l'ouvrage.


A noter une partie plus intéressante dans laquelle Bronner soutient les effets bénéfiques trop oubliés de la spécialisation du travail contre les appels à la polyvalence assez rare pour être souligné.


Bref, un ouvrage assez inégal, pas inintéressant mais j'en attendais clairement plus. Dommage.

Lestrade
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le 28 juin 2023

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