S’inspirant d’un entraîneur de football – Raymond Goethals – plus proche de Derrick que de Jack Bauer, et appelant moins les codes du stand-up que la tradition du monologue fin-de-siècle à la Charles Cros, la Stratégie du hors-jeu dégage quelque chose de délicieusement suranné, malgré la familiarité d’un style à la fois heurté et fluide et finalement adapté à la digression orale ; car le texte n’est qu’une gigantesque digression, pauses cigarette incluses. Tout lecteur ayant pratiqué enfant un sport collectif à la campagne, ou simplement entendu théoriser un pilier de bar, reconnaîtra cette façon de parler, seulement et heureusement dépourvue de ces « écoute-moi bien » et « tu vois, petit » qui émaillent parfois les propos du pilier.
Comme les entraîneurs et les ivrognes disent parfois des choses fort intéressantes quel que soit le sujet, la Stratégie du hors-jeu propose des théories sur la vie. Quatre théories : la première, la deuxième, la troisième et la cinquième. Et des digressions, donc, plus ou moins en rapport, la plupart s’appuyant sur le football : tu y perdras un peu au change si tu ignores qui est Enzo Scifo ou si tu ne vois pas le lien entre Steve Hodge et la main de Dieu, mais ça ne t’empêchera pas de penser à l’humour bizarre (p. 63) de la vie ou d’imaginer « un con tellement con que tu crois qu’il te fait une blague » (p. 21).
Avec plus de construction et d’intelligence que la quasi-totalité des livres d’humour – même si ce n’est pas là que je le classerais – mais s’essoufflant finalement assez vite à la lecture, la Stratégie du hors-jeu, intitulée moins lisiblement Raymond sur scène, reste probablement meilleure comme spectacle que comme livre.