Un coup d’essai qui a frôlé le coup de cœur ...

LE BRAS DU DIABLE voit le jour, quand Julie Waeckerli découvre un genre qu’elle n’apprécie pas spécialement, le thriller. C’est la lecture « Le 5ème règne » de Maxime Chattam qui lui donne l’envie de se lancer. Deux années d'écriture, deux années de correction et 700 pages plus tard, son thriller est né …

"Du jeu à la réalité, il n’y a qu’un pas pour que le mal se réveille !"

Été 2010, en Alsace

Alors qu’un groupe d’adolescents s’adonne à des séances de spiritisme, une gamine de 16 ans est retrouvée violée et battue à mort dans une rue de Sainte-Aude. Victime d’une grave hémorragie, elle succombe le lendemain à l’hôpital.

Dans la même semaine, plusieurs meurtres s’enchaînent avec une violence graduelle. L’assassin ne laisse aucune trace, à part de mystérieux messages signés de la lettre A, qu’il place près des corps des victimes.

Un groupe de délinquants détraqués, se faisant appeler « le gang » terrorise depuis quelque temps la ville et les villages alentours. C’est à Eddy Carver, officier de police judiciaire et à son coéquipier Tom Edylan, que « l’affaire du gang » est confiée.

Parallèlement, un vieil homme atteint d’Alzheimer voit des flashs de son passé ressurgir : la guerre d’Algérie et ses tortures … laissant présager de terribles secrets.

LE BRAS DU DIABLE est un thriller composé de deux thèmes totalement distincts. Le premier est l’ésotérisme, pour lequel l’auteure a une véritable passion et le second est la guerre d’Algérie, sujet par lequel elle ouvre son roman.

"Les ténèbres l’enveloppaient. Un arôme de supplice flottait entre les murs, comme un goût de sang sec et intarissable. Dans la petite pièce, l’obscurité déployait ses bras de monstre, et engloutissait tout espoir de revoir le soleil … Depuis trois jours elle l’avait attendue, appelée, provoquée, mais la Faucille capricieuse refusait sa demande. Elle ne la laissait pas partir et accentuait sa souffrance … Elle était innocente, mais les militaires français s’en moquaient. Il n’y avait aucune loi pour leur interdire la torture … Soudain, la porte de la pièce s’enfonça. La lumière aveuglante d’une lampe torche lui éblouit les yeux. C’est elle ..."

Banlieue d’Alger, 1957.

Le prologue se déroule durant la guerre d’Algérie. Cette femme retenue prisonnière n’a qu’une idée en tête, mourir. Mais ce que son esprit voit comme une délivrance, son corps le lui refuse. Elle n’a même plus la force de mettre fin à ses jours. Et, dans les méandres de ses pensées, une voix lui susurre des vers, elle pense à « lui ». Lui, qui d’après ses bourreaux est mort. Mais elle voit la nuit éternelle la saluer enfin, lorsque ce lieutenant surnommé « le diable » ordonne à un soldat de tuer cette « putain d’Algérienne ». Court mais intense, il sème en moi le trouble et se révèlera déterminant pour la suite de ma lecture.

Le début de l’histoire se met en place lentement. Julie Waeckerli nous présente successivement une flopée de personnages, créant ainsi un immense labyrinthe où quasiment chaque individu est susceptible d’être le tueur potentiel. L’enquête policière est menée de manière habile, cependant le nombre de personnages –une centaine dixit l’auteure- forme un dédale immense, plus qu’il ne faudrait à mon humble avis.

Et au milieu de tous les acteurs de ce roman, il y en a un : Berti. Ce passionné de littérature, qui confond parfois la vie avec les livres, entretient une relation particulière avec Nelly, sa petite-fille de cœur. Ce vieil homme amnésique de 76 ans est atteint de la maladie d’Alzheimer, et c’est à elle que dans de brefs moments de lucidité, il raconte des pans de son passé. Affecté à la 10ème division des parachutistes au service des renseignements, c’est l’enfer qui débute mais pas que ... La guerre d’Algérie laissera une empreinte indélébile à cet homme à travers les horreurs que sont la violence et la torture mais paradoxalement à travers l’amour, car il y fera une rencontre hors du commun, celle de son âme sœur. J’ai ressenti de vifs sentiments pour ce vieil homme : empathie, compassion, douleur, chagrin, bonheur et obstination pour n’en citer que quelques-uns, et là où j’aurai pu m’égarer, avec cet excès de personnages, celui-ci s’empare de moi et simultanément au prologue accroît mon désir d’avoir le fin mot de l’histoire.

"Je dois te raconter une histoire petite princesse, car si je ne te dis rien, je vais l’oublier et elle sera perdue … C’était en 1952 … Une désagréable sensation s’empara de Nelly. Berti avait le regard vide, voilé par un nuage gris presque hypnotique. Sa voix avait perdu son éloquence communicative. Ses propos étaient mornes, inhabituels, comme s’il se démenait pour formuler son récit … Cette fois, aucun livre n’avait dicté cette histoire au vieil homme. C’était la sienne …"

Cette partie du livre m’a totalement séduite, plus que celle placée sous le signe de l’ésotérisme où des adolescents en mal d’occupation se retrouvent pour des séances de spiritisme. Mais si c’est dans la guerre d’Algérie qu’on trouve la source de l’histoire, c’est à travers ce groupe d’adolescents à la recherche de l’identité du tueur que progresse l’intrigue, et je dois bien reconnaître que Julie Waeckerli m’a tout de même menée par le bout du nez sur 692 pages, ce qui n’est pas une mince affaire.

LE BRAS DU DIABLE aurait mérité un casting un peu plus allégé sur la partie enquête, mais le début accrocheur, la sensibilité développée par l’auteure dans tous les chapitres évoquant la guerre d’Algérie et le dénouement remarquable font de ce premier roman un coup d’essai qui a frôlé le coup de cœur.

Je vous conseille vraiment de découvrir cette jeune auteure qui recèle de grandes qualités d’écriture.
Carine_Boulay_S
8
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Créée

le 7 mars 2014

Critique lue 225 fois

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