Dominique De Villepin a écrit un roman de SF ! En voilà une bonne blague, me direz-vous. Et c'est pourtant vrai. L'objet s'intitule Le Dernier témoin et est sorti début novembre chez Plon.
Un roman de science-fiction écrit par un homme politique, plutôt habitué aux récits historiques au temps de l'Empire, cela n'est pas très alléchant. D'autant plus que l'idée du livre proviendrait du réalisateur narnardesque Luc Besson. Autant dire qu'on a à priori plutôt envie de fuir ce livre qu'autre chose. Surtout après avoir vu la chose : à peine deux cents pages, police 12 et dix-huit euros. Ouch ! Dominique De Villepin doit payer ses avocats, je ne vois pas d'autre explication...

Le dernier témoin est un arbre. Pour être plus précis, le dernier des arbres sur une Terre qui a été ravagée par un cataclysme et est maintenant couverte de cendres. Seuls ont survécu des hommes, réduits maintenant à l'état de créatures moribondes s'étant constituées en une société myrmécéenne à laquelle elles ont abandonné leurs personnalités.
Ces créatures, en trouvant l'arbre, découvrent une chose qui leur est inconnue. Elles décident donc de le faire parler. L'arbre, d'un âge incommensurable, va raconter ni plus, ni moins, l'histoire du monde.
Ne nous y méprenons toutefois pas. Si l'idée de départ peut paraître étrange, elle est très bien amenée : les derniers hommes maîtrisent une techhnologie avancée qui leur permet le miracle de faire parler l'arbre. Cela dit, le fait que ce dernier dispose d'un vaste vocabulaire et ait été capable d'interpréter tout ce qui l'a entouré laisse dubitatif.
Ce n'est pas là le seul point faible du roman de De Villepin. En effet, l'auteur fait voyager son personnage principal, non seulement dans le temps, mais aussi dans l'espace. Malgré l'immobilité caractéristique d'un arbre, celui du Dernier témoin va beaucoup se déplacer. Déraciné à plusieurs reprises, l'arbre a eu l'occasion de se trouver en des contrées, proches ou lointaines, à des périodes clefs de l'histoire du monde. il sera ainsi arbre de liberté pendant la Révolution Française, monstre de foire dans une trouve itinérante, et caetera. L'auteur insiste en fait beaucoup sur la période XVIIIe-XIXe siècles, des périodes qu'il connaît bien. Le Dernier témoin est pauvre en informations historiques, ce qui est bien dommage pour un roman qui est le récit de la longue fin du monde et de l'humanité.

Au niveau scénaristique, Le Dernier témoin ne vaut donc pas grand-chose. Reste une écriture de qualité, fluide, intelligente, qui fait de la lecture du roman un certain plaisir. Toutefois, l'arbre n'utilise pas spécialement un champ lexical approprié à sa nature végétale, ce qui aurait été fort à propos, original et lui aurait donné plus de personnalité. Dominique De Villepin écrit bien, mais travaille-t-il sa langue ? On en doute avec ce roman.
C'est avec la conclusion de son roman, la leçon d'« humanité » qu'il donne, que l'ancien Premier Ministre réussit un tant soit peu son pari. Au risque de spoiler un peu – quoique le quatrième de couverture le fasse déjà un peu – indiquons que l'arbre, en racontant l'histoire du monde, va montrer à ces hommes qui survivent sur – ou plutôt sous – une Terre ravagée ce qu'est d'être un humain. Or, on peut être humain de mille façons, on peut avoir mille facettes, certaines belles, d'autres laides. Les hommes du futur, qui avaient oublié les émotions, n'étaient-ils pas plus heureux ?

Le Dernier témoin n'est au final pas très bon en tant que roman de science-fiction. En tant que fiction tout court, d'ailleurs. Il se révèle plus intéressant d'un point de vue philosophique, mais ce n'est pas en à peine deux cents pages que De Villepin peut développer son idée.
On a vu largement mieux, donc. Mais ce n'est pas non plus la catastrophe annoncée.
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le 17 déc. 2010

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