« La première fois que j’ai pris un escalier, je ne savais où je devais le remettre »
Auteur prolifique à la plume légère et originale, convaincu par le numérique (ce qui reste relativement rare), Nicolas Ancion n’est pas tout à fait un auteur ordinaire – je prendrai pour preuve ses divers « marathons d’écriture » durant lesquels il a rédigé des romans en 24h (à Bruxelles en 2010, à New York en 2013, à Hanoi puis Ho-Chih-Minh-Ville en 2014, dans le train de Berlin en 2015) : des exercices à rapprocher des 24h BD d’Angoulême.
J’ai découvert son monde littéraire via un texte parlant d’un thermos dans lequel on mettait un pied qui coulait comme du café, alors que le café allait dans une chaussette trouée, tout ça pour devenir l’amant des filles. Je ne sais pas de quel livre c’était tiré, mais ce texte m’a marqué. J’ai retrouvé dans « Le Dortoir » ce qui m’avait tellement accroché là-dedans : la loufoquerie, l’absurde poussé au paroxysme, et bien sûr l’humour. On y voit aussi par moments mon péché mignon, à savoir un jeu de détricotage de la langue et ses expressions (comme illustré dans le titre, un peu remanié pour rentrer dans la limite de caractères).
« Le Dortoir » est un recueil de poésie en prose (disponible en ligne sur le site de l’Université de Liège : http://promethee.philo.ulg.ac.be/engdep1/motamot/textes/ancion1.html, ou dans la réédition de la collection Espace Nord, après « Les ours n’ont pas de problème de parking ») dont les fragments peignent les différentes pièces d’un dortoir scolaire et ses occupants. Entre les élèves qui habitent dans une porte, ceux qui se font badigeonner d’œufs pendant la messe pour être cuits, les douches qui versent de la soupe, les avions qui décollent des toilettes et peuvent ensuite passer sous les portes, contrairement aux hôtesses, ce dortoir n’a définitivement rien de normal. Et quand on croit avoir compris qu’on n’arrêterait pas d’être surpris, on s’étonne de l’être encore à chaque fois.
Me voilà décidément conquis par l’inventivité d’Ancion, à découvrir si vous ne connaissez pas.
« On a retrouvé pas moins de deux kilos de morve illégalement entreposés sur la face cachée du mobilier et huit Albanais agrafés sous le lit d’un jeune Italien fort bagarreur. On l’a convoqué chez le directeur, il n’est jamais venu : il était mort depuis huit jours dans l’infirmerie du sous-sol. Mais ça, on ne l’a découvert que lors de l’exercice pour les incendies, deux ans plus tard. »