L’intrigue du roman est développée via les trajectoires de neuf personnages principaux : un trafiquant d’organes, deux chercheurs occidentaux en intelligence artificielle, une jeune femme se disant capable de voir et de soutirer des informations des dieux, un neutre travaillant dans les drames télévisés, un policier « excommuniant » les IA illégales, son épouse, le premier ministre du Bharat, une journaliste et l’héritier du géant de l’énergie indien. Chaque chapitre du roman suit un de ses personnages. Leur diversité permet au lecteur de saisir dans sa globalité cette incroyable société sortie de l’esprit d’Ian McDonald.
Ce qui fait indubitablement de « Le fleuve des dieux » un chef-d’œuvre, c’est sa richesse. Par-delà l’inscription aussi dépaysante que convaincante de ce roman de science-fiction sur les rives du Gange, cette richesse s’exprime tant dans les composantes futuristes de cette société (IA, génétique, réchauffement climatique) que dans la narration-même du roman. Les détails sont innombrables. McDonald a créé une telle densité de situations que malgré son épaisseur, « Le fleuve des dieux » se dévore : aucune des 624 pages page est inintéressante, ou redondante. Le suivi en parallèle des neuf personnages participe aussi à la relance constante de l’intérêt du lecteur pour cette histoire, dont – autre coup d’éclat – l’enjeu principal ne se devine qu’à la moitié du roman ! McDonald articule sans peine les préoccupations humaines et sensibles de ces personnages avec le contexte politique, écologique, les données scientifiques et l’incontournable sense of wonder. McDonald maîtrise à la perfection son intrigue et convoque pour ce seul roman une bonne partie du spectre de la SF.
La construction magistrale de « Le fleuve des dieux » est servie par une langue magnifique, là encore très diverse. Elle réserve de nombreuses surprises et est parfaitement rendue par Gilles Goullet, qui a dû déployer un bel effort pour traduire ce texte envahi de termes indiens.
Ian McDonald est assurément un des plus grands auteurs de science-fiction contemporains, dont l’originalité de sa démarche (repousser la SF dans des territoires qu’elle pas encore ou si peu pris en charge) s’accomplit ici dans un évident sommet littéraire.
Ertemel
9
Écrit par

Créée

le 6 oct. 2014

Critique lue 294 fois

1 j'aime

Ertemel

Écrit par

Critique lue 294 fois

1

D'autres avis sur Le Fleuve des dieux

Le Fleuve des dieux
Rasp
3

ou : Le roman-fleuve odieux

Lauréat du British Science Fiction Award, Grand Prix de l'Imaginaire, ce livre de plus de 800 pages risque de décrédibiliser des récompenses dédiées aux littératures de l'imaginaire qui ont...

Par

le 17 janv. 2014

3 j'aime

Le Fleuve des dieux
AlainStarman
7

Un voyage laborieux mais utile

Ce roman fleuve, descriptif à l'extrême, nous plonge au coeur de la chaleur étouffante de Vârânacî, dans les méandres de la cité de pouvoir et de vice. Ian McDonald se sert habilement du panthéon...

le 1 nov. 2015

2 j'aime

Le Fleuve des dieux
Ertemel
9

Un roman-fleuve (Le fleuve des dieux)

L’intrigue du roman est développée via les trajectoires de neuf personnages principaux : un trafiquant d’organes, deux chercheurs occidentaux en intelligence artificielle, une jeune femme se disant...

le 6 oct. 2014

1 j'aime

Du même critique

Et quelquefois j'ai comme une grande idée
Ertemel
10

Critique de Et quelquefois j'ai comme une grande idée par Ertemel

C’est d’abord un objet très imposant : 800 pages en grand format bien serrées, présentées par une magnifique couverture entièrement illustrée, presque naïve, et surmontée d’un titre qui n’en finit...

le 3 oct. 2014

9 j'aime

1

High-Opp
Ertemel
8

Opinion

Dans cette œuvre inédite, Frank Herbert décrit une sorte de démocratie absolue, où toute proposition de loi est soumise à un vote sur une partie représentative (choisie au hasard, chaque fois...

le 4 nov. 2014

5 j'aime

Suzanna Andler
Ertemel
3

Le dur retour en salles

Peut-être vaut-il mieux soutenir la réouverture des cinémas en allant voir un autre film… Je pensais que Benoît Jacquot avait touché le fond avec son dernier film, « Eva ». Mais non, il a réussi à...

le 10 juin 2021

4 j'aime