Van Vogt.
Tant de gens l'encensent.
Tant de gens le descendent.

Si on reste dans le contexte de la littérature SF du début de la guerre froide, des space opera d'avant les années 50 et des réflexions sur la relativité de l'humanité et de ses fondements culturels, y'en a pas des masses.

Le cycle du non-A c'est tout ça à la fois.
On commence comme le Jacques de Diderot avec un personnage qui (spoiler!) ne sais pas d'où il vient ni où il va et qui à la limite s'en fout. C'est pas ça le plus important, il peut s'adapter à tout ce qu'on lui impose. Seule la logique aristotélicienne - qu'on suit, nous lecteur, même sans le savoir - nous empêche de nous intégrer, de nous moduler, d'être flexible à toute situation. Cette logique A implique que le monde soit divisé en catégories d'interprétations : le corps, l'interne, l'extérieur, les sentiments, les autres, le moi... Tout ceci construit un monde. En nous y incluant.

Le non-A c'est une plongée dans une autre culture fondée sur une autre logique. Et si on s'adapte pas on est un peu comme un GPS qui, alors qu'une nouvelle route a été tracée, s'obstine à vouloir nous faire faire demi-tour, estimant que nous roulons alors dans la brousse.

C'est ce présupposé qui a attiré mon regard sur cette oeuvre. Au départ.

L'excitation de longue haleine provoquée par le genre du space opera a ensuite pris le dessus. On suit un personnage. Deux personnages. Trois, quatre, cinq, six... Nager entre les lignes, dans les fleuves de narrations et d'événements. Les intrigues diplomatiques sont légions. Axée sur le personnage principal qui hors du cadre A ne se préoccupe que de plans généraux mouvants et fixes sans compromis individuels.

Premier Tome : Le monde du Non A
Encore un peu et on aurait pu le présenter sous l'étiquette d'un thriller politique, un roman d'espionnage avec pour héros un idéaliste qui semble retourner sa veste à chaque page et qui pourtant conserve une singulière constante. Comme inchangé et pourtant qu'est ce qu'il bouge. Encore un tour hors du monde cadré A où ce qui bouge ne peut être immobile, et ce qui change ne peut être inchangé. Ces oppositions n'ont plus lieu.

Les choses sont subtiles mais peu complexes à saisir. Malgré tout, une certaine linéarité littéraire et narrative se dégage. On ne perd jamais de vue le personnage principal et on ne s'embrouille pas trop dans les différents fils de l'enquête et de l'aventure. La puissance est volatile et qui l'attrape s'évapore. Les soumis d'aujourd'hui seront les exploiteurs de demain.

Le voyage en prend des couleurs et des limites nouvelles. Les intrigues subissent - sur les trois volumes - des retournements de situation qui seraient spectaculaires s'ils étaient au moment où on le voudrait. Ici, ce n'est pas au décollage d'une navette que tout à coup le pouvoir change de main. Mais plutôt sur un coup de fil au fond de la forêt géante vénusienne.

Les plus calmes des non-A se contente d'observer et essaye de ne pas trop se mêler de toutes ces affaires. Jusqu'à ce qu'on s'intéresse à eux.

La galerie de costume et de décor est très riche. On notera parmi d'autres, une ville centrée autour d'un ordinateur surpuissant qui gère des jeux plus complexes et plus importants qu'un concours de l'administration catégorie A, une forêt brumeuse d'arbres géants, des souterrains, des plate-formes trop étriquées politiquement, des réseaux corrompus, ...

Et des voyages beaucoup de voyages.

Le tout sur le rythme d'une quête d'identité qui n'intéresse que le lecteur si A et non le personnage principal tellement non-A.

Vous en dire plus serait du spoil.
Misarweth
7
Écrit par

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le 9 août 2012

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Misarweth

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