Süskind a eu du nez

Lu en Avril 2020. Traduction Bernard Lotholary 8,5/10

Ce livre il fallait le faire ! Non vraiment ! Proposer un roman entier centré sur le sens de l'odorat c'est pour le moins osé ! Je me souviens que dans mes livres pour enfants il y avait parfois un endroit où lorsque on grattait, des odeurs apparaissaient. Prodigieux ! Mais là rien de tout ça, on a pas à faire à un roman pour enfant.
Pourtant, tous les personnages se comportent comme tel. Psychopathe, Homme d'église, Noble, Bourgeois, chacun a gardé son âme d'enfant certes, mais pas celle qui fait rêver. Non c'est cette enfant pulsionnel, entêté et immature qui pense être caché quand il met ses mains devant ses yeux. Suskind a, je pense, portraituré cette facette des Hommes qu'on a tous en nous, qu'on le veuille ou non.
Passé ce message profond, le véritable tour de force est d'éveiller notre odorat lors d'une simple lecture. A travers une très belle poésie, de multiples images et descriptions du processus odorifique, nous sommes désormais mis au parfum de tout cet univers. Et ce sont des passages très intéressant, notamment toute la première partie dans Paris et en compagnie de Baldini.
En parallèle de ces descriptions on se promène à travers l'esprit tourmenté de Jean-Baptiste Grenouille, un orphelin doté d'un don au niveau du pif mais qui a vraiment un grain. Son talent pour les odeurs lui crée un Graal qui deviendra vite obsessionnel : obtenir le parfum le plus parfait (divin) qu'il soit ! Peu importe ce qu'il en coûtera de la vie d'humains qui ne valent rien. Ce n'est d'ailleurs pas seulement une pensée du psychopathe qu'est Grenouille. Toute l'ambiance amenée depuis le début du récit nous invite à contempler la fugacité de la vie, plus fugace qu'un parfum dans l'esprit de notre héros. La promiscuité de la vie Parisienne déjà unique au XVIIIème siècle favorise maladies, famines, règlements de compte en tout genre qui n'améliorent pas l'espérance de vie.
C'est assez délicat de développer sur ce roman tant il est nécessaire de s'en imprégner pour en comprendre les qualités. En effet, je n'ai pas été séduit par un style transcendant. Ni par une histoire trépidante. C'est plutôt un instant de poésie morbide supporté par une structure solidement bâtie.
Si je ne vois pas en ce roman le chef d’œuvre absolu que certains sentent. Je m'incline néanmoins à reconnaître un très bon moment passé et une impression de singularité marquante dans l'ensemble de cette œuvre.

« Comme le sommeil le gagnait, il s'enfonça de plus en plus profondément en lui-même et fit une entrée triomphale dans sa citadelle intérieure où il entreprit, pour fêter sa victoire, de célébrer en rêve une fête olfactive, une gigantesque orgie de fumée d'encens et de vapeurs de myrrhe, en l'honneur de lui même »
« Qui maîtrisait les odeurs maîtrisait le cœur des hommes »