C'est triste, vraiment triste. Le Père Goriot est un chef-d'oeuvre et il se retrouve avec une moyenne tout juste misérable... Ce n'est pas le seul dans ce cas, tout ces chefs-d'oeuvre de la littérature française du XVIIe-XIXe lus au collège/lycée ont une moyenne affligeante aussi (à par les Fleurs du Mal, mais ça c'est normal car les jeunes retrouvent leur "désespoir" dans les poèmes de Baudelaire, mon dieu...). Mais que voulez-vous, quand on est pas trop lecteur et qu'on nous oblige à lire une antiquité, on grogne forcément, et j'avoue l'avoir fait aussi. Du coup, qu'est-ce que ça donne de lire ces classiques de son plein gré ? Et bien c'est génial. J'ai eu beau mettre 3 mois à lire Le Père Goriot (pour lire la moitié cette semaine, comme d'hab quoi), la lecture m'a passionné.
Balzac correspond bien au modèle des écrivains naturalistes, cette volonté de tout décrire pour déclencher chez le lecteur une profonde immersion. Et ça marche à mort, cela des la description de la pension Vauquer ou des hauts-quartiers qui sont sans cesse mis en opposition. Balzac nous présente le Paris du début du XIXe siècle avant les travaux gigantesques d’Haussmann, un Paris crade et corrompu, divisé, une société pourri ou l'opportunisme règne, ou tout le monde porte la parure et un masque. A ceci, Balzac va mettre en avant Rastignac, jeune naïf débarquant dans la capitale pour faire fortune. Et c'est dur, très dur. C'est un parcours rempli de désillusions, de faux semblants, d'immoralité que Rastignac essaye tant bien que mal de rester à l'écart. L'évolution du personnage est triste tant elle raisonne à moi, le jeune lecteur, comme une perte de l'innocence que je serais également tôt ou tard destiné à affronter.
A ce splendide personnage principal s'ajoute un tas de personnages divers qui nous présente divers facette de la société parisienne, il suffit de prendre chaque personnage de la pension Vauquer qui en sont tous un portrait mordant. Cet imbécile de Poiret et cette vieille pute de Michonneau, qui se ressemble s'assemble on dit et c'est bien triste, comme si il y avait une fatalité à chaque personnage qui faisait qu'ils étaient destinés à être ensemble et ne peuvent changer leur position sociale. Madame Vauquer, cette veuve avare et sans états d'âme, une constante pour survivre dans cette dangereuse société. Et Vautrin, quel personnage ! L'homme qui a tout compris de cette société, le corrompu qui s'amuse et qui peut faire n'importe quoi, le Mephistophélès de Rastignac. Ce personnage qui développe une assurance vive à chacune de ces rencontres, qui fait froid dans le dos mais qui fascine pourtant terriblement. Sans conteste le meilleur personnage du bouquin.
L'oeuvre est entouré de cynisme, Balzac ne plonge pas dans le facile manichéisme et fait du Père Goriot une histoire sinistrement réaliste. Et il y a une force dans son écriture qui va autant aux dialogues qu'aux descriptions, il réussit à chaque fois à mettre en avant les sentiments du spectateur. On éprouve du dégoût quand on voit les filles du père Goriot soustraire la fortune du pauvre homme, pourtant la force fait qu'elles paraissent crédibles là ou s'aurait été plus simple si le père Goriot était un vieux gaga. D'ailleurs, on éprouve pas non plus tellement de compassion à ce personnage qui renvoie à ces filles toute la passion qu'il avait pour sa femme décédé. A se demander parfois si Goriot n'éprouve pas une passion qui irait jusqu'à l'inceste, en tout cas il les aime tellement que se développe une foi pour elles qui devient à force tout simplement ridicule. Et quand à la fin, il les répudie enfin lors d'un puissance dernier monologue, il relève finalement tout ce qu'il pensait en silence.
L'agonie du père Goriot et l'indifférence généré est l'un des plus grands moments de la littérature qu'il m'a été donné de lire. Nous sommes épouvanté comme l'est Rastignac par tant d'horreurs, et nous en ressortons dénué de tout, plus d'once d'innocence, plus de rire, plus d'amour...
Une bonne claque dans la gueule.