Un caméraman embarque à bord de l'Arrowhead, le navire d'une poignée de militants écologistes qui n'entendent pas adoucir leur ton pour se faire mieux accepter en société. Au départ peut-être plus curieux qu'engagé, le narrateur se prend petit à petit de passion pour le monde marin qu'il découvre et le combat contre Goliath que mène cette bande de passionnés. Le point de vue est idéal donc pour découvrir leur combat et montrer l'importance de sa médiatisation, l'important de faire voir en images au monde les horreurs qui se déroulent silencieusement dans les espaces aveugles.


Le point central de l'histoire est Magnus Wallace, figure incorruptible, largement inspiré de Paul Watson. Son portrait est dressé sans concession ; jamais sa volonté ni sa détermination ne faiblissent. Il est donc la grande force de ce roman autant qu'il est la figure de proue de son navire.


Je découvre avec ce roman la plume d'Alice Ferney. L'ensemble est fluide et la plupart du temps assez fonctionnel ; quelques fois, les descriptions sont réellement imagées et nous montrent de façon réussie la beauté des espaces vierges et l'horreur de ceux souillés par le sang.


Il est clair que ce roman est engagé en faveur de la protection des animaux qui peuplent l'océan, et plus généralement de la nature. Il pointe la collusion entre gouvernements et mafias ; la corruption de la police ; et même celle des ONG plus modérées et plus médiatiques qui ne servent finalement que de façades de bonne conscience.
Cependant, il m'a semblé que certains points ont été rapidement éludés en faveur de ces écologistes. Oui, l'action la plus concrète est l'attaque des baleiniers. Mais à quel moment on s'est demandé s'ils étaient vraiment la source de ce massacre ? Ils sont sa manifestation concrète. Mais pourquoi il y a-t-il des baleiniers ? Parce qu'il y a de la demande - de la demande de viande de baleine, d'ailerons de requins. Tant qu'il y aura une telle demande, certains n'hésiteront pas à piller les richesses de l'océan. Finalement, on frappe sur ceux que Wallace appelle les "salauds de pauvres" et c'est là qu'on entrevoit l'impérialisme dont peut faire preuve l'écologie.
Au nom de quoi, eux médecins, eux biologistes, eux champions de tennis, pourraient empêcher les pêcheurs des pays pauvres de vouloir améliorer leur condition ? Il est évident que ces massacres sont intolérables. Mais c'est bien facile à dire lorsqu'on peut se permettre de partir bénévolement des mois entiers sur la mer pour la bonne cause. A un moment, Wallace évoque une "pension" que devraient donner aux pays développés pour que cette pêche cesse, remplaçant ainsi la richesse potentielle des océans qu'ils sont en train de réduire à néant (malgré eux, parce qu'ils ne savent pas, les pauvres, etc.). Mais plus un instant ensuite on n'en reparle.


Alors ce n'est pas une critique directement adressée à Alice Ferney, plutôt la continuité d'un débat qu'elle laisse voir en filigrane. Le sujet est bel et bien évoqué, et on peut comprendre que le narrateur, de son point de vue, est tellement pris dans le feu de l'action et par le magnétisme de Wallace qu'il remet rarement en question leurs procédés. Pour lui, ils sont les défenseurs ultimes d'espèces en voie de disparition, le dernier rempart, et effectivement, il a raison. Mais attaquer les baleiniers, n'est-ce pas finalement couper les têtes d'une hydre qui sans cesse repoussent ?

Haze
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le 30 déc. 2016

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