Aux premiers abords, tout annonçait le début d'une saga classique. Des royaumes, des guerriers, des mages, des clans, le tout enrobé par des prophéties et des élus. Depuis soixante ans, la Fantasy a beaucoup évolué, sans pour autant se détacher totalement de ses œuvres de référence. Le Roi Démon, premier tome d'une saga intitulée "Les Sept Royaumes", de la romancière américaine Cinda Williams Chima, présente un intitulé rigoureusement conventionnel. Sorti sept ans plus tôt, il s'avère aussi assez récent par rapport aux piliers du genre, même ceux parus dans les années 90. Cependant, sans qu'il y ait de véritables innovations, Le Roi-Démon a su se montrer convaincant par bien des aspects.


Dès les premières pages, une notion de parallélisme est introduite, entre deux protagonistes principaux de sexe et de condition sociale opposées. Un cas typique, que ce soit dans la littérature, films, séries ou jeux-vidéos, mais ici savamment maîtrisé. Han et Raisa sont donc des personnages que tout oppose. L'un a grandi dans un milieu modeste, a fréquenté des gens peu recommandables et défend des valeurs simples dans un monde plus dangereux qu'il ne l'aurait imaginé. L'autre a été élevé dans un milieu noble, héritière d'un royaume instable et descendante d'une héroïne légendaire qu'elle admire, le cœur brûlant d'envie de s'extirper de sa condition pour vivre de grandes aventures.


Ces deux personnages risquent de paraître archétypaux à première vue, surtout Raisa, mais il n'en est rien. Au contraire même, à travers la description d'un univers riche qui use avec intelligence des éléments du genre, ils sont les piliers d'une fondateur d'une histoire bien narrée. À travers les yeux de Han, nous observons les rues malfamées, les clans matriarcaux, pour s'étendre jusqu'à un contexte géo-politique plus grand qu'il n'y paraît. De son côté, Raisa découvre elle aussi un peuple dont elle n'aurait pas soupçonné la complexité et un monde plus dangereux que dans ses craintes, alors que repose sur ses frêles épaules les espoirs de tous ces citoyens, certains la haïssant.


Ainsi, avec le jeune voleur qui trouve un objet magique et la jeune princesse qui cherche à s'enfuir de son mariage imposé, les éléments sont rassemblés pour une histoire classique. Après tout, la totalité des récits ont déjà été racontés, comme on dit. Dans le cas présent, de nombreux rebondissements intéressants émaillent un récit qui traite de thématiques intéressantes. Loin de s'engouffrer dans les clichés de la littérature jeunesse, le Roi-Démon décrit à merveille le tourment de jeunes adultes que le destin a accablé, entre les responsabilités grandissantes, les tentations amoureuses, la stupéfaction, l'émerveillement, la rage, la tristesse... Ces sentiments sont décrits avec talent et sincérité, de quoi s'attacher à ces personnages de fiction qui deviennent vivants au fil des pages.


En ce qui concerne les personnages secondaires, la plupart se révèlent eux aussi très intéressants. J'ai particulièrement aimé les personnages des clans, notamment les Matriarches Saule et Elena pour leur sagesse, la guerrière Oiseau pour sa détermination et Danseur pour son ambiguïté. Du côté de Raisa, le constat s'avère plus mitigé. En tant que prétendants au mariage, Amon et Micah sont supportables, sa mère, la reine Marianna relève aussi un certain sens de l'ambiguïté, ce qui l'empêche de devenir unilatérale, et sa petite sœur est trop peu apparue pour la juger. En revanche, j'émets davantage de réserves vis à vis des mages. Bien que leur attachement avec la politique soit bien expliqué, ils m'ont paru trop manichéens, comme des êtres trop avides de pouvoir et qui ne s'en cachent même pas.


Le rythme et la narration sont maîtrisés, de sorte que le roman n'accuse jamais de lenteur, et les informations sur l'univers sont bien distillées. Ce même univers reprend des éléments classiques de la Fantasy classique (Cadre Médiéval-Fantastique, Présence de Clans, de guerriers, de mages) mais les assemble de manière à ce qu'aucun archétype ne nous tombe dans la figure. Les récits du passé, mythes ou légendes, surviennent au bon moment malgré leur aspect classique, et certains choix, comme celui de dérouler le récit dans une société plus matriarcale, s'insèrent en parfaite cohérence avec le tout.


Ce premier tome s'achève de façon correcte, de quoi donner envie de lire la suite. J'émets juste quelques réserves quant à certains des rebondissements finaux :


Le mariage annoncé, duquel Raisa décampera à vive allure, ne survient que vers la fin du roman. Quant à Han, le pauvre perd sa sœur Marie et sa mère Mam, mais le récit n'insiste pas assez sur la perte, comme s'il s'en fichait.


Décidément, la Fantasy ne cessera jamais de me surprendre ! Certes, il m'arrive de me heurter à de sévères déceptions, à des lectures très peu marquantes, mais parfois, le contenu se révèle extrêmement riche. Le début d'une épopée de jeunes adultes dans un univers fascinant. Il me tarde d'en découvrir plus.

Saidor
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le 5 avr. 2017

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Saidor

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