Un funambule entre moulin de paysan et guerre de trente ans

Savez vous d'où vient le mot espiègle en français ? Moi non plus je ne le savais pas avant d'avoir entre les mains cette fresque historique de Daniel Kehlmann, le roman de Tyll Ulespiègle. Car c'est de ce personnage mythique de la littérature populaire allemande que nous est venu le terme espiègle. Ce personnage, sorte d'arlequin facétieux mais sans malice est le personnage éponyme du roman.

Mais au final, on aurait du mal à le qualifier de personnage principal. Il n'est qu'un personnage fil rouge que l'on va croiser au travers de ces chapitres décousus chronologiquement, mais ayant tous comme toile de fond l'horreur de la guerre en Europe, plus précisément la guerre de 30 ans. Comme toutes les guerres, celle ci est absurde, sanglante, sur fond d'alliance et de trahison, de guerres de religions, d'obscurantisme, de mysticisme voir d'occultismes.

Au fil des chapitres, Tyll côtoiera toutes sortes de personnages, plus ou moins embarqué et écrasé par le cours de cette histoire. De son père meunier fasciné par la compréhension du monde aux plus puissant de ce monde, en passant par des troupes de saltimbanques itinérant à la « reine d'un hiver », Tyll passe son temps à tourner en ridicule ces personnages, volontairement ou non.

Formidable fresque mosaïques de cette période, qui dit bien plus qu'on ne pourrait l'imaginer de la notre, la roman de Kehlmann est à l'image de Tyll : insaisissable, parfois incompréhensible et pourtant fascinant. Les description de personnages sont puissamment évocatrice, les descriptions des lieux sont prenantes (que ce soit les horreurs visuels ou olfactives du camp de guerre, ou la douceur et le fumet délicat des cours impériales). Heureusement, car le roman est exigeant, nous faisant croiser les mêmes personnages à différents moments de leur vie grâce à une construction non linéaire chronologiquement parlant ; et nous faisant croiser des mêmes événements à travers les yeux de personnages différents.

Certains passages sont un peu en dessous, notamment de longues parties où Tyll est absent, et il nous manque. Mais Kehlmann, comme son personnage funambule, reprend son équilibre et parvient à chaque fois à nous captiver à nouveau jusqu'à une fin se déroulant lors de la signatures des traités de Westphalie qui vont dessiner les contours de notre Europe modernes. Tyll quitte alors la scène de l'histoire pour rentrer dans celle du mythe.

-Mais sais-tu ce qui est encore mieux ? Encore mieux que de mourir en paix ?
- Dis le moi.
- Ne pas mourir, petite Liz. C'est beaucoup mieux.

A-t-on lu une fresque historique ? Une farce burlesque ? Un roman fantastique ? Comme autant de balles colorées, l'auteur a fait passer chacun de ces styles dans ses mains et nous laisse ébouriffé par ce voyage magique dans cette Europe si lointaine et pourtant si proche de notre époque en terme de questionnement et d'. enjeux.

Homegas
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le 18 avr. 2023

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