Figurez-vous que c'est un jeu vidéo, la série des point'n click "Blackwell" qui m'a aiguillé sur ce livre.

C'est l'histoire vraie de la naissance d'une légende urbaine. Joseph Mitchell était un journaliste du "New Yorker" qui réalisait des portraîts. Il choisit Joe Gould, un SDF du Village (quartier branché littérature de New York) qui a un circuit pour taper les gens pour la "fondation Joe Gould". Il dit travailler à "Une histoire orale de notre temps", ouvrage gigantesque qui ferait une bonne dizaine de fois la longueur de la Bible et rapporterait les conversations dont Gould aurait été le témoin.

La première partie, "Le professeur Mouette", est constituée de l'article de 1942 dans lequel Mitchell dresse le portraît de Gould, son extravagance, sa vie précaire, ses prétentions littéraires.

La seconde partie commence par la nouvelle de la mort de Gould. Mitchell s'autorise à retracer depuis le début sa rencontre avec Gould, et le fait d'avoir eu sous les yeux un portraît de lui par une artiste qui ôte l'aura bonhomme du personnage et en restitue le malaise, la complexité. Mitchell côtoie Gould, qui s'éprend de lui comme confesseur, jusqu'à en devenir gênant. Gould profite de la notoriété que lui acquiert l'article de Mitchell, au point que sur la fin de sa vie, une mécène décide de lui éviter la rue. Mais Mitchell, devenu confident/otage du clochard céleste, acquiert brusquement la conviction, non démentie par Gould, que "L'histoire orale de notre temps" n'existe pas : Gould réécrit depuis vingt ans dans des cahiers toujours les quatre même chapitres, qui ne tiennent même pas les promesses du projet initial. Gould finit à l'asile, dans un état de sénilité précoce. Avec sa mort, et les recherches infructueuses de ses proches à retrouver son oeuvre, le journaliste se sent obligé de dire la vérité.

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Un fort beau sujet, comme ne pouvait en produire que des villes tentaculaires comme New York, qui renvoie en miroir de cette Amérique triomphante des années 50-60 l'image de ces losers mesquins, qui s'efforcent tout de même de donner le change. Un sujet qui rappelle la nouvelle "Le chef d'oeuvre inconnu" de Balzac. L'écriture de Mitchell est limpide et claire, elle sert son sujet avec efficacité et précision, et l'on sent qu'il a été touché par l'histoire. Ce n'est pas pour rien que ce livre constitue un exemple classique de panne d'écriture, car Mitchell resta ensuite plus de vingt ans avant de reprendre la plume.
zardoz6704
9
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le 18 déc. 2014

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