Au lycée, j'ai été obsédé par ce livre, certainement parce que c'était le premier grand livre de fantasy que je lisais et aussi parce qu'il était très long. A l'époque, je me vantais de ma capacité à lire vite et longtemps. J'étais jeune et qu'il s'agisse de ma consommation d'alcool, de mon régime alimentaire ou de mes lectures, je n'avais qu'une seule devise : mieux vaut la quantité que la qualité. Je lisais tous les soirs, n'éteignant jamais la lampe par raison mais uniquement lorsque je n'arrivais plus à comprendre ce que mes yeux suivaient mécaniquement. Je dormais dans certains cours, notamment en histoire où mon goût précoce pour les romans d'époque m'avaient donné une avance considérable.

Le Seigneur des Anneaux étaient presque un livre d'entraînement pour moi et je m'étais mis en tête de le lire en une seule fois, la nuit de préférence, avant la fin du lycée. Je pense qu'en plus de la forfanterie, il s'agissait aussi d'une sorte d'exorcisme qui obscurément m'aurait permis de me délivrer des attraits trop aguicheurs de la fantasy, qui m'aurait délacer de cette passion néfaste qui me retenait alors qu'à cette période de la vie, il faut avancer ou mourir.

J'ai du lire une douzaine de fois le roman de Tolkien, agrémenté à chaque fois d'un de ses autres ouvrages comme le Silmarion ou les Contes et légendes inachevés. L'exploit consistant à le lire en entier en une nuit a été accompli en première et je me souviens très bien avoir été à la fois déçu et conforté par les réactions de mes amis lorsque je le leur annonçais pendant les cours. Ils ne me comprenaient pas, me disaient que j'étais fou ou qu'ils ne savaient pas comment j'avais pu lire mille pages en si peu de temps. Certains ne me croyaient pas... J'étais heureux d'être au centre de cette attention universelle mais aussi honteux, sachant très bien au fond de moi que la lecture ne pouvait être cette attraction de fête foraine à laquelle je l'avais réduite. Ce fut la dernière fois où je me félicitais de ma lecture rapide devant d'autres personnes que moi-même.

Aujourd'hui, j'éprouve pour cet épisode une tendresse un peu penaude mais je sais qu'il a été un moment fondateur de mon identité de lecteur. Je regrette parfois de ne plus avoir cette soif aussi violente d'histoires nouvelles, de mondes alternatifs et de personnages mythiques. Ce désir puissant de regagner un ailleurs où seul une véritable communauté peut s'assembler. Cependant, j'ai aussi appris que ces communautés de lecteurs n'étaient qu'une illusion, que n'importe qui pouvait aimer n'importe quel livre, parce que nous nous mentons tous sur ce que nous sommes et surtout, sur ce que nous voulons être.

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le 1 avr. 2014

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Ikkikuma

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