Le Tartuffe
7.1
Le Tartuffe

livre de Molière (1669)

Bien connue pour son histoire éditoriale (3 versions, passant de 3 actes à 5), cette pièce, centrale de Molière, est reconnaissable pour le sous-texte et la légende qui l'entoure. Tartuffe est-elle une critique des dévots, de ces maîtres de conscience ? Ou bien, Molière critique-t-il réellement l'hypocrisie ?
La pièce, surprenante, et ayant, sans aucune doute, fortement évolué au cour de sa vie, offre un chemin de questionnement pour le lecteur. Pour autant, il ne faut pas oublier la pièce elle-même, le récit en-soi et ce qu'il propose.


Tartuffe est une pièce en 5 acte, en vers, qui raconte comment Tartuffe, un faux dévot, a pris l'ascendant sur la famille d'Orgon. Tous ont percé à jour l'habit, faussement pieux, de l'homme. Tous, sauf Orgon, qui continue de le traiter comme un saint et un frère. Il décide même de rompre la promesse de mariage entre Mariane, sa fille et Valère, un gentilhomme, afin de marier sa fille à Tartuffe.


La pièce, qui se veut une comédie, va offrir un spectacle surprenant par bien des aspects aux spectateurs. Les idées, absolument géniales et remarquables de Molière, offre un résultat saisissant qui témoigne du génie de l'auteur.
La première est un constat global : la pièce est un étrange mélange de comédie et de tragédie. Seul le Deus ex Machina final nous rassure sur le fait que nous ne sommes pas dans une vraie tragédie. Mais pour le reste, nous pouvons nous questionner. La monté dans l'intensité, l'angoisse augmente. Tartuffe est d'abord tout puissant, puis il peut épouser Mariane et désire obtenir le corps d'Elmire, l'épouse d'Orgon, ce-dernier ne voyant rien. La révélation de la fausseté de Tartuffe entraîne un vol des biens avant de se poursuivre avec une accusation royale. Orgon et sa famille sont dépossédés de tout, et presque de la vie, par ce faux dévot. La monté en puissance ne cesse jamais et l'angoisse est véritablement saisissante.
Ce trait est remarquable et doit être admiré.


Un autre détail technique, largement commenté, y contribue : Tartuffe met deux longs actes avant d'apparaître. Tartuffe n'entre en scène qu'à partir de la seconde scène du troisième acte. C'est dire ! Cela a permis d'augmenter toute l'intensité dramatique. La monté d'attente est géniale et incontestablement, Molière sait séduire son spectateur.
On appréciera également la diversité des personnages et les retournements de situations. Le comique se fait sentir grâce à Dorine, suivante de Mariane, qui sait adoucir les mœurs du spectateurs grâce à ces bons mots, plein de bonnes idées. Orgon, et sa mère, eux, apparaissent du début jusqu'à la fin comme des personnages pathétiques, franchement mauvais.
Les huissiers en prennent aussi pour leurs grades, avec un monsieur Loyal, lui aussi, d'une rare cruauté.


On pourra cependant regretter l'intrigue amoureuse inexploité ainsi que le personnage de Cléanthe, beau-frère d'Orgon, qui sert principalement à sauver la morale de la pièce avec un discours adoucit pour éviter une censure de sa troisième édition. Globalement, on ne peut éviter de se dire que bien des passages ont été calmés, rendus plus doux.
Le jeu de piste, empli du même coup de sous-entendus historiques risque cependant de faire perdre l'intérêt premier de la pièce. De la même façon que l'adoucissement réalisé par Molière gâte un peu le plaisir de la critique.


Tartuffe reste malgré cela, et quelques défauts de sous-intrigues, une belle pièce. La force des vers est là et les alexandrins sont magnifiques. On notera avec plaisir la qualité de certains échanges, notamment ceux d'Elmire et de Tartuffe ou encore les bons mots de Dorine. On regrettera un peu que les autres personnages, notamment Orgon et Damis, son fils, n'aient pas la beauté de la plume mais un langage efficace pour comprendre la psychologie des personnages.
Les sous-entendus des mots, pour développer la psyché est d'ailleurs très présente et est agréable.
Le sentiment de naviguer entre rire et crainte est très bons par moment mais regrettable pour d'autres. De manière générale, j'ai eu un peu de mal à entrer dans la pièce. L'histoire d'amour manquant tout autant à me convaincre que le style du premier acte.


Je ne suis pas l'homme le plus convaincu par Tartuffe, aussi bien par certaines faiblesses scénaristique que par goût personnel. Les idées de Molière pour le dynamisme de sa pièce, pour mêler humour de manière adroite et naturelle, même quand cela ne s'y prête pas, me surprendra toujours. Mais, de manière évidente, Tartuffe n'est pas non plus une de ces pièces que je lirai pour elle-même, tant le moralisme échoue à aller jusqu'au bout de son combat.

mavhoc
6
Écrit par

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le 18 mars 2016

Critique lue 977 fois

mavhoc

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