Non loin de Kyoto, la mort de Nangaku Kishimoto (automne 1933), propriétaire aisé et réputé pour ses peintures d’oiseaux, provoque une succession d’événements qui bouleverseront les destins de plusieurs personnes.


Nangaku avait 68 ans et, depuis un bout de temps, il entretenait une maîtresse qu’il logeait à l’écart, discrètement. Il s'agit d'une jeune femme de 32 ans nommée Satoko Kirihara (diminutif : Sato) : « petite, potelée mais la taille fine, faite pour séduire. » Bien entendu, Sato se contente d’apprendre la nouvelle du décès de Nangaku, alors que son épouse Hideko assiste en bonne place aux funérailles. Une cérémonie conduite par les moines du Kohôan, temple situé au pied du mont Kinugasa. Bien que dédié au bouddhisme, le Kohôan est désigné comme une secte.


Nangaku avait régulièrement emmenée Sato à ce temple où il conservait ses tableaux d’oies sauvages si bien représentées qu’on les dirait vivantes (Sato s’extasiait à chaque fois) et que le peintre disait que ce temple conserverait ses œuvres pour prendre aux yeux de tous le nom de Temple des oies sauvages.


Jikai Kitami, responsable du Kohôan, recueille, par l’intermédiaire d’un autre moine, l’ultime volonté du peintre : qu’il s’occupe de Sato. N’ayant aucune ressource, la jeune femme n’a pas d’autre solution que d’emménager avec Jikai qui vit dans un logement à l’intérieur même du temple. Célibataire endurci, Jikai avait un temps laissé parler Nangaku lui conseillant de se marier. Trouvant Sato à son goût, il en fait sa compagne et se révèle un amant infatigable, bien décidé à oublier sa frustration.


Dans le temple, Jikai emploie Jinen, un jeune novice discret et laconique dont les manières et l’apparence frappent Sato : maigre avec une grosse tête. Elle le soupçonne d’observer ses ébats intimes avec Jikai.


Avec ce court roman (139 pages chez Picquier poche), Mizukami fait son effet en se montrant capable de donner beaucoup à ressentir avec une belle économie de moyens. D’autre part, il maintient jusqu’au huitième et dernier chapitre, ses intentions réelles concernant la trame de son roman.


Autant dire tout de suite qu’aborder Le temple des oies sauvages comme un roman policier serait une erreur, car s’il y a bien une disparition (liée à un drame), l’auteur (narrateur omniscient) se contente d’évoquer des recherches, attendant le dernier chapitre pour expliquer ce qui s’est passé.


Ce que Mizukami réussit, c’est à donner une idée acceptable par bien des aspects, sur la vie telle qu’elle se passait à cette époque. Une époque pas si lointaine de celle à laquelle il écrivait, mais qu’il pouvait déjà craindre de voir disparaître à tout jamais, le Japon étant en pleine période de reconstruction après la guerre. D’ailleurs, cela correspond bien à ce qu’il fait sentir au travers des destins de ses personnages. La vie est brève et, une fois achevée, il n’en reste pas toujours grand-chose. Par contre, des œuvres comme les peintures d’oies qu’il évoque plusieurs fois, peuvent rester durablement (témoignages d’une époque et fruit du labeur d’une personne inspirée), jusqu’à contribuer à la renommée d’un temple où les visiteurs viendront les contempler, génération après génération.


L’auteur ne se contente pas de distiller une ambiance aussi personnelle que crédible. Il donne également vie à ses personnages, en dressant des portraits psychologiques d’une belle finesse et en montrant comment ces différentes personnalités peuvent ou non s’accorder, selon les caractères, origines, intelligences et préoccupations.


Dans un style dépourvu de fioritures, Mizukami mène son intrigue de main de maître pour produire une œuvre inimitable, bien partie pour assumer le statut de classique, à l’image des représentations d’oies sauvages qu’on imagine très bien à leur simple évocation.

Electron
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le 8 mai 2021

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