Jules Verne, pour moi, c'était un auteur pour enfants. Mon père me conseille ce classique, allez, je tente.


Ce qui est bien, c'est la construction de l'intrigue, ses rebondissements et la façon dont nos joyeux compagnons imaginent des stratagèmes pour trouver une solution - jusqu'à l'ultime pirouette du décalage horaire. Jules Verne s'amuse à semer des petits cailloux, dont on sait qu'ils serviront à un moment ou un autre du récit : la montre de Passepartout, le protecteur de Mrs Aouda censé être à Hong Kong, l'Américain à qui Phileas Fogg dit qu'il "le retrouvera". Mon père a raison : on a envie de tourner la page. La chose se lit vite.


Jules Verne joue aussi de l'opposition entre le flegmatique Fogg et le bouillonnant Passepartout. Un classique que ce duo de contraires, qui fera recette au cinéma, que ce soit dans l'association good cop / bad cop ou dans les nombreux duos comiques mis en scène par Gérard Oury, Yves Robert ou Francis Veber.


Ce caractère schématique est aussi la faiblesse du roman, car les personnages sont vraiment trop monolithiques : Phileas Fogg est d'une impassibilité qui confine au robot, à tel point que ça ne colle pas du tout lorsqu'il lance son "je vous aime" ; Mrs Aouda est transie d'admiration pour le Britannique, elle ne fait que trembler pour lui ; Fix est un flic obsédé par la justice, jusqu'à la caricature. Seul Passepartout a de l'épaisseur, peut-être parce que c'est le Français ?!


Par ailleurs, le roman a un ton paternaliste vis-à-vis de tout ce qui n'est pas européen qui le rend au pire antipathique, au mieux daté. Seuls les Occidentaux savent faire correctement le travail, les Hindous ont des rites tribaux honteux, les Sioux sont des sauvages sanguinaires, les Yankees sont vulgaires, on voit même passer le mot négro. Tout cela semblant parfaitement naturel. Question d'époque. Même problème que pour Tintin au Congo, qui a davantage mon indulgence, peut-être parce qu'il se rattache à mon enfance ?


Enfin, on comprend mal l'intérêt de la chose, tout simplement : faire un tour du monde sans prendre le temps de voir quoique ce soit, juste pour gagner un pari stupide à 20 000 livres ? Ah mais pardon, en fait c'était pour trouver l'amouououour !


Roman pour enfants, oui quand même : l'adulte risque de tiquer un peu à toutes ces naïvetés. Mais si on a du temps à tuer agréablement en décidant de faire taire son esprit critique, ce roman d'aventures peut remplir son office.

Jduvi
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le 31 août 2021

Critique lue 115 fois

Jduvi

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