Une préquelle avec les problèmes que ça implique

Le tueur de daims est un roman de 1841 qui est à la fois le dernier et le premier d’une série qui est plus connue grâce à un autre roman : Le dernier des Mohicans. Il s’agit du dernier parce qu’il fut le dernier écrit, mais il s’agit également du premier, si l’on suit chronologiquement les aventures du protagoniste de ces roman, Nathaniel Bumpoo, dit Œil-de-Faucon, dit Bas-de-Cuir, dit La Longue Carabine, dit également, et finalement le tueur de daims.


Cette série comporte cinq romans, où Œil-de-Faucon est généralement un vétéran, puisque ces récits couvrent une période allant de 1740, où Œil-de-Faucon est encore jeune homme à 1804 où il a sans doute passé les quatre vingt ans.


Ça traîne un peu, beaucoup, en longueur. Cinq cents pages pour couvrir un conflit de trois ou quatre jours où il ne se passe au final pas énormément de choses ça fait long. Pas qu’on s’ennuie vraiment, mais tout de même, c’est un peu trop, et je comprends l’utilité de textes abrégés pour ce genre de romans où au final la même chose est dite, mais de façon plus efficace.


D’autant que le plus pénible est notre protagoniste, ici nommé Tueur de daims, qui a tendance à se répéter beaucoup sur « les dons des peaux-rouges, les dons des hommes blancs, je fais selon ma nature, bla, bla, bla … » C’est intéressant, et même important, la première fois puisque cela établit la personnalité de l’homme et sa moralité qui contraste avec celle des autres coureurs des bois, mais une fois que c’est établit, c’est redondant et très lourd de le lire faire la morale à tout un chacun quand il ouvre la bouche.


Le personnage reste toutefois sympathique, et sa moralité justement, est très moderne si l’on considère l’époque de l’écriture. Malgré l’usage d’un vocabulaire certainement daté, James Fenimore Cooper nous présente tout de même un personnage très respectueux des natifs, qui n’a pas l’orgueil et le mépris pour eux que bon nombre de colons avaient.


Je trouve ça d’ailleurs, assez paradoxal. L’attitude d’Œil-de-Faucon étant bien plus typique des colons Français qui s’adaptaient et essayaient de vivre comme les locaux, faute d’avoir des colonies assez développées sans aucun doute, que des colons Anglais qui venaient reconstruire l’Angleterre chez les autres. Pourtant dans Le dernier des Mohicans, au moins dans le souvenir que j’en ai, les Français en prennent plein la tronche. Les Amérindiens alliés aux Anglais, sont beaux, nobles, respectueux de la parole donnée, alors que ceux alliés aux Français sont des fourbes, menteurs, violeurs …


Curieusement, et surtout heureusement, cette vision caricaturale est bien moins absente du Tueur de daims. Peut-être parce qu’écris quinze plus tard et après que l’auteur ait vécu en France où il a apparemment appris à apprécier certains Français ? En tout cas les Hurons qui sont toujours les antagonistes sont décrits avec bien moins de subjectivité. La guerre est inévitable, mais ils se conduisent de façon raisonnable, avec ruse mais avec sagesse aussi, en respectant les coutumes de guerre locales, et le point de vue le plus anti Français se trouve être celui d’un personnage qui est présenté comme hypocrite, vénal et pas très malin. Il y a quand même des discours au début du livre où le protagoniste défend l’humanité des amérindiens en disant, en gros, qu’on trouve des hommes bons partout, chez les blancs comme chez les rouges, sauf chez les Français. Encore des progrès à faire donc.


En dehors de ce gros point négatif, qui s’applique toutefois plus à la série qu’à ce livre en particulier, il faut bien dire que ça manque d’action, ça tire pas mal en longueur pour mieux poser le héros et son compagnon comme débutants, mais du coup c’est pas très excitant, d’autant moins que le suspense n’est même pas présent. Les personnages étant établis on se retrouve en plus avec une histoire d’amour qui ne peut nécessairement pas fonctionner, ce qui oblige à limiter ce qui aurait pu être un point fort pour le roman, et du coup n’est qu’une déception.


Au final ce n’est pas trop mal, mais il y a de bonnes raisons pour lesquelles Le dernier des Mohicans est le gros succès de la série. On retrouve ici une certaine émotion avec une mort importante, mais si l’on considère les perspective d’avenir que le personnage qui décède avait, ça atténue quand même pas mal l’impact de sa mort.


Malgré de bonnes choses on peut dire que ce roman souffre des problèmes habituels de préquelles.


Critique tirée de mon blog.

Mattchaos
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le 11 févr. 2021

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