Le contrat
8.2
Le contrat

livre de Vladimir Volkoff (2007)

Serge Maltèse est aux anges : enfin, un éditeur lui propose un contrat pour son premier livre ! Pourtant, il sent vite que quelque chose cloche chez ce mystérieux Maur Theyssandier. Pourquoi l'éditeur et sa femme s'intéressent-ils à ce point à lui, tout-à-coup ? Pourquoi Theyssandier le laisse-t-il fréquenter sa femme de si près sans jamais rien dire ? Pourquoi ses souvenirs de la guerre d'Algérie enfouis au fin fond de sa mémoire remontent-ils soudain à la surface ?


Si l'on a connu Vladimir Volkoff bien plus percutant dans la plupart de ses romans, il nous propose pourtant ici encore un livre de très bonne facture. Roman policier à part entière, pas du tout roman à thèses, Le Contrat est néanmoins une oeuvre qui a des choses à nous dire...
Le canevas est simple : un riche éditeur, sa riche et belle femme, un auteur sans le sou. A priori, rien que de très classique dans le triangle amoureux qui se forme, histoire d'adultère banale sur laquelle vient rapidement s'ajouter une histoire de meurtre. C'est d'ailleurs presque décevant pour du Volkoff : l'auteur du Trêtre serait-il tombé dans le roman de gare ? En réalité, non.
Maîtrisant toujours à merveille le ton pince-sans-rire voire caustique qui fait sa caractéristique, Vladimir Volkoff s'appuie ici sur une narration très épurée, mais jamais simpliste, qui va droit à l'essentiel (ce qui n'en rend les digressions que plus savoureuses) et qui, alliée à des chapitres de très courte durée, crée une atmosphère étonnamment prenante, un peu crapoteuse sans être malsaine, rude et très évocatrice. Quand on se plonge dans ces lignes, on n'a plus envie d'en sortir, et on ne s'en rend même pas compte.
Il faut dire que pendant la majeure partie du roman, on attend quelque chose : on se doute qu'à un moment ou à un autre, la linéarité de l'intrigue va éclater et enfin, le puzzle narratif va se dévoiler. Et de fait, c'est le cas. Tout-à-coup, par le biais d'un suspense très habilement construit, ce qui ne semblait guère qu'une simple histoire de jalousie et de cupidité devient un machiavélique jeu de dupes. Comme si l'inspecteur Harry Bosch débarquait en plein milieu d'un Boileau-Narcejac.


C'est alors qu'on comprend que tout ce qu'on a lu n'était pas vain : au-delà du simple divertissement littéraire qu'il est avant tout, Le Contrat est aussi une satire. La description des milieux de l'édition est parfois discrète, mais toujours féroce. Si elle ne constitue pas l'essence même du roman, elle ajoute au plat la sauce qui en relève le goût, et Volkoff ne mâche pas ses mots quand il s'agit de décrire les rouages d'un monde sans âme dans leur terrible vérité.
L'autre aspect de ce roman, celui qui en constitue bel et bien l'essence profonde, quoiqu'abordé de manière apparemment superficielle mais en réalité assez profonde, on ne le dévoilera pas ici. On pourra simplement dire que, bien plus qu'un simple récit d'adultère meurtrier, Le Contrat est avant tout l'histoire de personnages rattrapés par le poids de leur histoire autant que par celui de l'Histoire.
Au gré d'un artifice littéraire que l'on pourra juger assez superficiel de prime abord, Vladimir Volkoff dresse en quelques pages un tableau historique inattendu et plein d'une atroce vérité qui fait resurgir les vieux démons d'un passé que les personnages ont préféré oublier, et que la France a tout-à-fait renié. L'art avec lequel l'auteur ébauche en quelques phrases une réflexion que d'autres auteurs auraient mis un livre entier à développer est porté ici à son paroxysme. Ainsi, le dialogue qui clôt le roman, en deux répliques seulement, réussit à nous faire prendre le recul nécessaire à la bonne compréhension du roman, et à en tirer la réflexion qui s'imposait. Une réflexion terrible sur la vengeance, les conséquences de nos actes passés, la confrontation entre deux systèmes de croyance et au-delà, entre deux civilisations antagonistes.
Et c'est ainsi que ce qui avait commencé comme un roman policier banal s'achève comme un brûlot historiquement et politiquement incorrect. En un mot : comme du Volkoff.

Tonto
8
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le 14 août 2019

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Tonto

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