Superbe roman de Simenon, assez méconnu mais d'une ampleur incroyable.
Dans la description de la chute d'un entrepreneur parvenu et flamboyant, puis dans le portrait de son fils de 17 ans en pleine prise de conscience existentielle, l'écrivain belge embrasse de très nombreux thèmes, et esquisse en creux tout un pan de la société française de l'immédiate après-guerre.
On découvre notamment la mise en place des premiers immenses lotissements de banlieue à proximité des grandes villes, qui accompagne la consommation de masse et la démocratisation à venir de l'automobile, de l'urbanisation et des loisirs ; c'est aussi la fin d'une certaine France, rurale, autosuffisante, entretenant volontiers un potager, élevant des poules ou des lapins.
Dans ce roman publié en 1947, Simenon affiche son admiration pour les grands hommes visionnaires, souvent complexes et ambivalents certes - voire un peu filous - mais indispensables pour faire avancer une société.
A travers sa description des bourgeois, des politiques et des financiers, souvent hypocrites, mesquins et individualistes, l'écrivain liégeois ébauche dans le même temps sa définition d'un "homme" véritable, statut plus difficile à atteindre que celui d'"honnête homme" (ceux-là le sont souvent par mimétisme, par peur ou par faiblesse).