Thierry raconte à la manière d’un polar l’histoire d’un homme chargé de comprendre pourquoi tant de gens meurent là où ils devraient guérir et comment on pourrait faire pour améliorer la situation. Cet homme, c’est Didier Pittet de l’Hôpital Universitaire de Genève, un toubib, acharné comme un pitbull qui va tomber sur l’incroyable vérité : les patients meurent parce que les soignants ne se lavent pas correctement les mains.


Personnellement, depuis le travail de Florence Nightingale, je pensais que la question de l’hygiène dans les hôpitaux était une affaire réglée comme du papier à musique, que chaque soignant avait la procédure de nettoyage des mains tatouée au fer rouge sur l’avant-bras ou un truc comme cela. Qu’à la limite, on pouvait comprendre que ce soit plus difficile de se laver les mains dans un hôpital de brousse ou de guerre, sans eau courante… mais chez nous ? Dans les sociétés où la santé coute un bras et où des appareillages et des molécules toujours plus sophistiqués viennent améliorer chaque jour le pronostique vital de tant de gens ?


Mais voilà, comme partout, le diable se cache dans les détails et ici, le détail qui tue, c’est le temps mis à se laver entre chaque patient et le fait qu’avec la gestion en flux tendu du personnel, ce temps, on ne l’a plus vraiment.



Les chiffres de l’étude commencent à parler. Le manque de temps entraîne la mauvaise observance de l’hygiène des mains. Globalement, plus il y a d’occasions thérapeutiques de se laver les mains, comme aux urgences, moins on se les lave. Didier présente les résultats à ses infirmières. Elles sourient.
« On le savait.
— Comment ? Vous le saviez !
— Ben oui, quand on est stressées, quand on a trop de travail, on n’arrive pas à se laver les mains. »
Il reste stupéfait.
Il a mis en place une étude épidémiologique rigoureuse pour aboutir à un résultat évident. Toutes les consignes expliquent qu’il faut aller au lavabo, tourner l’eau, se savonner les mains, les frotter, les rincer, les sécher… Personne ne s’est jamais demandé si c’est matériellement possible. « À tel point que tous les soignants affirment avec conviction qu’ils se lavent les mains dans 80 % des cas. Ils sont loin de la réalité. »
Début 1995, Didier se rend aux soins intensifs avec un chronomètre. Il découvre qu’une infirmière a, en moyenne et par heure, 22 occasions de se laver les mains. Pour bien le faire, il lui faut une à deux minutes. « Quand on multiplie par 22, c’est impossible. On ne peut pas se désinfecter les mains avec de l’eau et du savon. C’est trop long. »
Via Le Geste qui sauve



On a tout : les connaissances, les procédures, les techniques, la formation, tout… sauf le temps.


Et c’est là que l’épopée du docteur Pittet commence : puisqu’on n’a pas le temps de se laver correctement les mains, il faut les désinfecter autrement. Et autrement, c’est toute l’histoire du livre de Thierry Crouzet ou comment le travail de Didier Pittet a probablement déjà sauvé des millions de vies dans le monde, en toute discrétion et en toute efficacité.


Toute la critique : Aujourd'hui, on s'en lave les mains!

AgnesMaillard
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le 16 janv. 2017

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Agnès Maillard

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