Plongée brutale et cruelle dans l'intimité d'une famille afro-américaine

En 1923, Hattie Shepherd a 15 ans lorsqu’elle quitte le Sud ségrégationniste de la Géorgie avec ses sœurs et sa mère, direction la Philadelphie. Là-bas, les Lois Jim Crown ne sévissent pas et ce nouvel eldorado des noirs américains du Sud présage un avenir plus heureux. Quelques années plus tard, la jeune femme, mariée à August est maman de jumeaux, Philadelphia et Jubillee, symboles d’un tout nouveau départ dans cette maison louée, située au sein d’un charmant quartier de la ville. Nous sommes alors en 1925.
Le premier chapitre intitulé « Philadelphia et Jubillee », ouvre le roman sur le dur combat d’Hattie pour la survie de ses deux bébés qui souffrent de pneumonie. Echecs et souffrances vont alors s’enchaîner pour la jeune mère après la mort brutale de ses deux premiers enfants. Les chapitres suivants portent les noms de tous les autres enfants d’Hattie, plus sa petite-fille, Sella. Ce sont eux, ses « 12 tribus ».

On suit de 1925 à 1980, les parcours nimbés de souffrance, de solitude et de recherche d’amour de tous les membres de cette famille meurtrie. Il y a Floyd. Celui qui n’ose accepter son homosexualité, tente de survivre grâce à la musique en parcourant les routes américaines à la recherche de soi. Il y a Six. L’adolescent au physique peu avantageux après avoir été brûlé accidentellement, se lance à corps perdu dans la religion. Il y a Ruthie. Ayana Mathis ne donne pas la parole à cet enfant. Elle fait parler Lawrence, l’amant de Hattie et véritable père de Ruthie mais aussi August, contraint d’accepter l’amère vérité. Il y a Alice et Billups, les deux frères liés par un secret qui les ronge. Puis il y a aussi et surtout Hattie. Elle est la pierre angulaire du roman, la Mère-courage dont les fils et filles craignent le regard sombre, le visage stoïque, le manque de tendresse.

Pourquoi je recommande.
Avec The Twelve Tribes of Hattie, Ayana Mathis a montré qu’elle savait décrire les sentiments, l’état des âmes. Ses personnages possèdent une force et une profondeur sans nom. On apprécie la construction narrative de ce premier roman dans lequel on suit l’évolution des enfants d’Hattie tout en cheminant dans l’esprit de plusieurs autres personnages essentiels. L’auteure a réussi avec brio à mêler l’histoire d’une famille individuelle sous le prisme de la grande Histoire, mais sans s’arracher de ses premières ambitions ou se perdre dans la simple description de la société américaine. En somme, ce roman parle d’amour et du combat pour arriver à aimer sans détruire. Et c’est justement Hattie, la mère, ce personnage au rôle complexe, qui symbolise ce sentiment.
Jumpy
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le 23 janv. 2014

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