Il est des ouvrages que l'on a envie de défendre, que l'on ouvre avec la certitude qu'ils vont répondre à nos attentes de lecteur.
C'est donc pleine d'amertume que je vais livrer une critique mi-figue mi raisin sur ce livre.


Le titre choc fait son effet et annonce directement la couleur : la prostitution sous tchador, finit forcément mal. A lui seul le sujet attise la curiosité. En Iran comme ailleurs, malgré un contexte politique des plus rétrograde, la prostitution persiste.
Pourquoi et comment les jeunes filles arrivent sur les trottoirs? Par quel procédé attirent-elles le chaland tout en portant le hijab le plus sévère tandis qu'elles se déplacent d'un pas monotone?


Le lecteur est prévenu au milieu du récit que la forme est incertaine, hésitant entre deux procédés : roman et récit journalistique. De façon presque documentaire, il nous fait découvrir les dessous de la prostitution iranienne, les mettant en parallèle avec les tenants et les aboutissants de l'application de la loi islamique. Côté récit, l'intention louable consiste à redonner la parole à des femmes bafouées toute leur vie en les faisant parler d'outre-tombe pour raconter leur vie "d'avant" , leurs rêves, leurs pensées.


Ce livre partait avec vraiment beaucoup d'atouts. Mais il est porté par un style qui m'a fortement dérangée. Comment la romancière, déjà auteur de "La muette" en est-elle arrivée à écrire aussi crûment? Les titres de chapitres auraient dû me mettre sur la voie : "baby blues précoce et fellation rapide", "une bonne musulmane de pute". Certes le sujet est tragique et l'on pouvait s'attendre à des descriptions sordides pour crédibiliser le récit : mais de là à évoquer un viol ou un acte de prostitution à presque chaque chapitre, soit toutes les 7 pages, et ce par le menu avec moult détails... Il faut avoir le coeur bien accroché. Bite, sexe, cul, sperme, urine, éjaculer, gifle reviennent constamment.


L'aspect journalistique manque lui aussi de nuance. Les explications sur la morale islamique et la législation en Iran depuis l'instauration du régime khomeinyste en 1979 gagneraient à être délivrées de façon neutre. Les lecteurs de cet ouvrage sont pour la plupart déjà ralliés à sa cause, inutile d'ironiser avec des phrases du type "Béni soit l'idéologie islamique"ou d'apostropher le lecteur par un "tenez vous bien".


La déception est grande car j'attendais que ce sujet soit traité avec moins de sensationnalisme. Soutenu par une construction et un style différents, ce récit aurait pu constituer un réquisitoire implacable. En lisant la biographie de l'auteur, je comprends mieux sa difficile prise de distance face à ce sujet qui lui tient tellement à coeur.

Pouyou
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le 11 juil. 2016

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