Je me suis fait plaisir en relisant ce bouquin qui m'avait frappé la première fois par sa façon d'aborder la culture chinoise. En effet, sinologue distingué, l'auteur nous propose une approche au près des idéogrammes, expliquant les concepts moins par le contexte historique ou les inventeurs que par leur graphie et la décomposition des signes en unités significatives. C'est ainsi qu'il explique le Dao Te King ou même le nom de Lao Tseu en se référant aux signes internes de leur idéogramme, ce qui semble coller en effet au plus près de la pensée chinoise. C'est très érudit et assez bluffant (parfois trop...).
Le livre suit le programme du titre avec trois grands chapitres sur en effet: taoisme (ce qui ressemble le plus à une religion pour les chinois, sans en être une), confucianisme (une philosophie personnelle de l'auto-avancement) et enfin le bouddhisme (religion importée mais à l'impact important sur l'Empire du Milieu). L'introduction du livre est superbe et nous familiarise avec le déchiffrage des idéogrammes, qui servira de méthode presque pour le reste de l'exposé. *
Bon, je ne vais pas commenter les concepts ici, mais disons que j'ai pris plaisir à retrouver ce bouquin très riche dont j'avoue avoir eu du mal à garder en tête toutes les idées la première fois (ce coup-ci j'ai pris des notes !). Cyrille Javary nous explique bien l’étonnante (et assez pragmatique ) spiritualité des chinois, qui à la différence de nos grands monothéisme ne perdent pas de temps à implorer une toute-puissance, mais vise à cajoler des "shen" , ces esprits bienfaisants qui ne sont guère des déités, mais bien des ancêtres, qui, une fois disparus, veillent sur les vivants depuis leur propre dimension invisible. Mao lui-même est devenu "shen", un esprit bienveillant, qui s'occupe de... la sécurité routière...
On découvre avec intérêt les grands courants de pensée, comme ce taoïsme qui tiendrait presque d'une adoration écolo de la Nature, ou ce confucianisme qui vise à instaurer la justice avant tout et prône le travail sur soi. On redécouvre le bouddhisme par son entrée stupéfiante en Chine (pourtant peu encline à croire en la métempsychose...) et l'apaisement qu'il apporta à une population somme toute assez rudoyée par son histoire et les mœurs impériales. Javary met en relation ces grandes philosophies et leur constante et sévère lutte pour le cœur(et la tête) des chinois, l'une prenant le pas sur les autres par la grâce d'une dynastie, pour être opprimée ensuite lorsque qu'une autre dynastie arrive. On fait un sacré voyage dans l'histoire chinoise, croyez-moi.
Le Dao De King et ses presque-haikus, les Entretiens de Confucius et la personnalité du maître, les œuvres bouddhistes, de nombreux ouvrages et leur auteurs sont expliqués en détail, mais grâce à la distinction claire entre les chapitres , on ne se mélange pas trop les pinceaux. L'auteur donne même un chouette tableau récapitulatif à la fin. (Je regrette juste que le Yi-Chin (le livre des changements) ne soit pas plus expliqué ici, mais c'est le sujet d'un autre bouquin de l'auteur je crois)
Une lecture très intéressante, sans doute parfois un poil trop riche, mais que je vous recommande sans hésitation, guys et guysettes!