La question d'un parallèle entre les années 30 et la décennie actuelle me taraude depuis longtemps, sachant ce qui a succédé aux premières. Et j'ai trouvé ce livre, un peu par hasard, sur un stand au festival Interceltique de Lorient, et en ai fait derechef l'acquisition. Il a été rédigé, en 2013 ou 2014, par deux chercheurs et deux journalistes et est structuré en chapitres dont chacun aborde une thématique particulière et relate les faits historiques qui s'y rapportent, dans les années trente comme dans l'actualité contemporaine. Ce qui en facilite grandement la lecture, mais sans doute au détriment de l'exposition d'une vision d'ensemble du sujet traité.


Certaines des thématiques sont bien sur attendues dans un tel ouvrage : crises financières, montée des fascismes et de l'ordre moral, bruits de bottes, corruption des dirigeants politiques, immigration, renoncements de la gauche à transformer la société, toute puissance de la finance, polémistes haineux, déclinisme et racisme. A cet égard, la lecture n'en n'est pas moins intéressante au moins sur un plan historique. Car si sur ces divers sujets, l'actualité est généralement (et malheureusement) bien connue de tout un chacun, il n'en va pas forcément de même pour ce qui concerne les années trente, du moins pour qui n'est pas historien spécialisé dans cette période. J'ignorais par exemple que l'immigration avait à l'époque été fortement combattue (et de fait restreinte) par les politiques de presque tous les bords.


D'autres thématiques sont plus surprenantes dans les parallèles qu'elles établissent : peur des communistes (dans les années trente) et peur des musulmans (aujourd'hui), divergences entre militants antifascistes (entre pacifistes et bellicistes, dans les années trente) et divergences entre militants antiracistes (entre islamophobes et islamophiles, aujourd'hui), parallèles entre la politique coloniale dans les années 30 et la politique des quartiers sensibles aujourd'hui, d'une part, et entre l'exposition coloniale de 1931 et la coupe du monde de football de 1998, comme facteurs d'union nationale, d'autre part. Assez bien vu, en définitive, bien argumenté et plutôt convaincant. J'ai eu un peu plus de mal à souscrire, pour ma part, à souscrire au parallèle établi entre les JO de Berlin de 1936, et ceux de Sotchi en Russie en 2014.


Car ce bouquin reste, en dépit d'un intérêt historique indéniable, très conventionnel dans son approche de l'actualité. Et manque parfois un peu de recul et de nuances, à savoir que le Front National et Poutine sont les grands méchants d'aujourd'hui (certes, ils ne sont pas sympathiques, c'est vrai), et que notre société et son système politique sont un modèle à préserver absolument. Et il n'accorde finalement qu'assez peu de place à la gauche de transformation, par exemple. Si l'on ajoute à cela qu'il expose des faits et des analyses avec un fort tropisme hexagonal, on touche du doigt son principal défaut, le manque d'une synthèse, d'une thèse. Une touche de matérialisme historique aurait à mon sens bonifié l'ensemble. Ses auteurs exposent, mais ne s'engagent guère, ne proposent ni vision de l'histoire, ni solutions. Ainsi, ils ne risquent ni de se planter, ni de susciter la polémique, c'est vrai. Mais, du coup, ils se contentent d'une conclusion indigente de moins de trois pages, sur le mode oui, ces deux époques ne sont pas tout à fait identiques, mais en même temps écoutons les leçons de l'histoire...

Marcus31
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le 26 août 2018

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