À première vue, ces Fins du monde de l’Antiquité à nos jours ont de l’allure : l’objet est beau, l’iconographie abondante et soignée. De fait le livre est agréable à feuilleter par curiosité, à la bibliothèque ou en librairie.
Au second abord, c’est moins réussi. C’est que le texte et les illustrations – car il s’agit bien d’illustrations, non de supports à analyses, et leur intérêt est parfois limité – ne concernent parfois que de loin la fin des temps. Évidemment, comme l’auteur le souligne en conclusion, « de cette véritable fin, nul ne pourra témoigner » (p. 299) ; autrement dit, tout témoignage sur l’apocalypse est une fiction. Mais enfin, qu’est-ce que le transhumanisme, le 11-septembre et la poétique des ruines dans la peinture romantique ont à voir, au sens strict, avec la fin des temps ? (Évidemment aussi, ils impliquent tous l’idée de fin du monde tel que nous le connaissons ; mais à ce compte-là, il aurait fallu traiter chacune des inventions majeures de l’humanité, et pas seulement le développement de l’informatique.)
Par ailleurs, l’ouvrage manque d’une ligne directrice. On ne peut considérer comme telle l’idée que la façon dont une culture envisage sa fin serait le témoignage de référence sur cette culture – idée par ailleurs discutable : « Quel récit plus instructif, pour percevoir l’âme d’une société, que celui qu’elle donne de sa propre fin ? » (p. 6), demande l’auteur, et je pense que de tels récits existent. De fait, si la première moitié du livre concerne la mythologie et les religions – encore propose-t-elle avant tout un panorama des apocalypses, bien davantage que de véritables analyses –, le propos se disperse ensuite, fournissant quelque chose comme des digests non dépourvus de poncifs sur le millénarisme, la mystique romantisme ou les catastrophes nucléaires. Ce n’est pas un hasard si les idées qui m’ont paru les plus intéressantes dans ces Fins du monde soient digressions, par exemple « Une spécificité de l’eschatologie musulmane est l’importance accordée aux signes annonciateurs des derniers temps. » (p. 133) ou encore « Par un curieux retournement des choses, des scientifiques et des politiques recourent à des menaces apocalyptiques pour alerter l’opinion sur les risques que notre gloutonnerie et notre inconséquence font courir à la nature, tandis que des religieux, traditionnellement ancrés dans un discours eschatologique, réfutent cet emploi rationaliste et inquiet du thème de la fin du monde. » (p. 284). On a là, véritablement, des analyses, mais qui ne seront malheureusement pas approfondies.
Je passe sur l’écriture parfois grevée par ce que mes professeurs de lycée appelaient du délayage (par exemple « le Livre d’Amos, rédigé vers 800 avant notre ère, soit il y a près de trois mille ans », p. 110 ou « Christophe Colomb rédige un livre de prophéties, Libro de Las Profecías (Livre des prophéties) », p. 164), car cela donnerait l’impression que l’ouvrage est mauvais, alors qu’il est juste mal cadré.

Alcofribas
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le 20 nov. 2016

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