"Tous ces moments se perdront dans l'oubli comme les larmes dans la pluie"

Madel est journaliste aux Phillipines. C'est une étrangère, et elle a du mal à supporter sa stigmatisation, qu'elle partage avec son compagnon, Jan, qui, bien qu'originaire de cette région, est considéré comme un nanti. Le soir de l'anniversaire de celui-ci, un typhon est annoncé. Rien d'inhabituel pour une population déjà trop familière des caprices climatiques. Et l'excuse du mauvais temps était trop belle pour les invités qui sont tous aux abonnés absents, si ce n'est une voisine qui vient, au désespoir, confier son enfant au couple. Mais le typhon se fait de plus en plus menaçant, et en quelques heures tout bascule.
Le typhon devient tsunami, la belle maison aux murs blancs, qui semblait pourtant si solide, s'écroule sous la force de l'eau destructrice. Jan est emporté par la vague, et Madel laisse glisser la main de l'enfant qui lui avait été confié malgré elle.
Au lendemain de la catastrophe, il ne reste plus qu'à compter les morts.


Anaïs Llobet, qui a elle-même vécu ce tsunami qu'elle raconte dans les Mains lâchées, réussit à équilibrer parfaitement la tension entre des moments d'émotions très intenses, où les victimes témoignent avec une justesse rare de la manière dont ils vivent les événements, et des moments de reportage, où son héroïne se fait violence pour rester professionnelle malgré le drame qui la touche personnellement. Madel n'a pas le droit d'être une victime comme les autres, pas seulement parce qu'elle est journaliste et qu'elle doit faire son « travail », mais parce qu'elle est étrangère, parce qu'aux yeux de tous les autres, elle ne pourra jamais vraiment comprendre ce que c'est de tout perdre, parce que pour tous les autres, ce n'est pas la première fois, même si c'est peut-être la pire.
Les Mains lâchées est un roman qui prend aux tripes, et qui nous rappelle aussi à quel point le drame, quand il est à l'autre bout du monde, est éphémère pour ceux qui ne le vivent pas directement, dans une société de l'immédiateté où la tragédie est mise aux enchères.


Titre de la critique emprunté à Blade Runner.

marquise
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le 29 août 2016

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